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L'énigme des blancs manteaux

Titel: L'énigme des blancs manteaux Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-François Parot
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n'avait guère, jusque-là, prêté d'attention à l'inspecteur, que leurs relations, toutes amicales et confiantes qu'elles fussent, se cantonnaient aux seules préoccupations du service. Jamais il ne s'était interrogé sur le passé de Bourdeau, les raisons de sa vocation policière ou sa vie familiale. Il se sentit saisi d'une curiosité immédiate envers un homme qui ne lui avait jamais marchandé ni son aide ni sa bienveillance. Il saisit l'occasion de ce moment d'attente pour tenter de rattraper le temps perdu.
    — Bourdeau, dit-il à voix basse, vous ne m'avez jamais dit comment vous étiez entré dans la police ?
    L'inspecteur demeura silencieux un moment sans dissimuler la surprise que cette question lui causait.
    — Sans doute, monsieur, ne me l'avez-vous jamais demandé.
    Une nouvelle pause s'établit durant laquelle Nicolas réfléchit sur le meilleur moyen de relancer son propos.
    — Vous avez encore vos parents ?
    — Ils sont morts tous les deux, à peu de temps l'un de l'autre. Cela fera bientôt vingt ans.
    — Que faisait votre père ?
    Il sentait Bourdeau plus détendu.
    — Mon père était valet de chiens à la vautrait 56 du roi. Autant qu'il m'en souvient, il tenait fort à honneur sa fonction. Jusqu'à son accident, il y fut très heureux.
    — Son accident ?
    — Une bête noire acculée lui a ouvert la jambe, alors qu'il s'était jeté au secours d'un des chiens les plus appréciés du roi. On dut la couper, de crainte de la gangrène. Son courage ne fut guère payé en retour ; on lui en voulut de ne pas avoir sauvé le chien, décousu lui aussi... Impotent, il dut se retirer dans son village sans vétérance ni pension. Il végéta alors, éloigné de la chasse qui était toute sa vie, et séparé du roi, son idole. Je l'ai vu dépérir de chagrin. Il ne se pardonnait pas d'avoir laissé mourir un chien. Le roi avait grondé et n'avait eu ni un regard ni un geste pour l'homme blessé. Ainsi sont les grands...
    — Le roi ne savait pas.
    — C'est ce qu'on dit toujours. Ah ! si le roi savait ça... Nicolas, nous servons la justice et nous obéissons, mais en tant que citoyen je puis avoir mon opinion particulière. Le roi est aussi un homme comme les autres, avec ses défauts et ses caprices. Mon père avait été frappé, tout jeune, de sa fureur de tuer. Il y a une quarantaine d'années, quand il débutait, il fut témoin d'une scène si marquante qu'il la contait volontiers, encore qu'elle ne fût pas à l'honneur deson Dieu. Le roi avait alors douze ou treize ans et goûtait fort une biche blanche qu'il avait nourrie tout faon. Elle s'était accoutumée à lui si gentiment qu'elle mangeait dans sa main. Un jour, l'envie le prit de la vouloir tuer. Il ordonna de la conduire à La Muette. Là, il la fit éloigner, la tira et la blessa. La pauvre bête, affolée et gémissante, accourut vers le roi, cherchant sa protection. Il la fit derechef éloigner et la tua.

    Nicolas fut surpris de la froide passion de Bourdeau.
    — Sentant sa fin approcher, poursuivit celui-ci, mon père se résigna, lui qui n'avait jamais rien sollicité pour lui-même, à adresser une supplique à Mgr le duc de Penthièvre, grand veneur de France 57 , et le plus honnête homme du royaume. Peu avant la mort de mon père, il me fit venir à Paris où, après des études à Louis-Le-Grand, je fis mon droit. Le produit de la vente de la petite maison de mes parents, que le prince compléta généreusement, me permit d'acheter mon office d'inspecteur et conseiller du roi. Ainsi, ce qui fut défait par un Bourbon fut réparé par un Bourbon. Mais vous-même, monsieur, comment expliquez-vous votre prodigieuse carrière ?...
    Nicolas sentit l'ironie.
    — Comment avez-vous pu bénéficier de l'appui de M. de Sartine à un point tel qu'il vous mandate et que vous agissiez en son nom avec des pouvoirs supérieurs à ceux d'un commissaire ? Ne vous méprenez pas sur ma curiosité. Mais puisque vous me faites l'honneur de la vôtre, permettez-moi d'en user tout aussi franchement avec vous.
    Nicolas était pris à son propre piège, mais il ne le regrettait pas. Il estimait Bourdeau sincère et pressentait que cette conversation ne ferait que les rapprocherl'un de l'autre. Mais c'était un autre Bourdeau qui se révélait, plus profond et plus grave.
    — Il n'y a pas de mystère et mon histoire n'est pas si différente de la vôtre, répondit-il. Enfant trouvé, sans aïeux et sans fortune, j'ai été recommandé à M.

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