Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen

L'énigme des blancs manteaux

Titel: L'énigme des blancs manteaux Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-François Parot
Vom Netzwerk:
de Sartine par mon parrain, le marquis de Ranreuil. Depuis, tout s'est enchaîné sans que j'intervienne de mon propre chef, sinon par mon zèle à remplir avec soin les tâches que l'on attendait de moi.
    Bourdeau sourit.
    — Vous voilà bien philosophe, vous posez les questions sans donner les réponses. Ce n'est pas moi qui mettrais en doute vos propos. Mais comprenez que votre situation étonne, qu'on glose au Châtelet et que certains s'interrogent. On vous croit membre d'une loge maçonnique.
    — Ah ! ça... Mais pourquoi ?
    — Je croyais que vous saviez que M. de Sartine était lui-même affilié à la loge des Arts Sainte-Marguerite.
    — Certes non, je suis bien éloigné de ces choses.
    En vérité le bonhomme simple que Nicolas avait cru bien connaître jusque-là apparaissait sous un jour nouveau. Nicolas prit conscience de l'incongruité de la situation. Depuis son retour de Bretagne, il s'était laissé porter par les événements. Il n'avait pas senti combien ses relations avec l'inspecteur s'étaient insensiblement transformées. Il avait lui-même accepté cette dérive sans se poser de questions et sans déplaisir. En dépit de ses inquiétudes et de sa conviction d'être, à certains moments, un objet dans les mains du lieutenant général de police, il avait surmonté cette ambiguïté en obtenant, du moins le croyait-il, la totale confiance de son chef. Pouvait-on passer aussi vite du statut d'outil à celui de confident? Il préférait ne pas s'interroger là-dessus, se consacrant tout entier à l'action. Cependant, il se rendait bien compte que Bourdeau n'était pas un simple commis et qu'il lui avait fallu une grandeur d'âme peu commune pour accepter qu'un jeune homme, un apprenti, devienne, pour ainsi dire, son maître. L'inspecteur avait toléré, lui, l'homme d'expérience, de s'effacer et d'accepter ses ordres. Nicolas se dit qu'il avait sans doute négligé de veiller à ce que ce renversement hiérarchique s'opérât avec tout le tact et la délicatesse nécessaires. Il ne devait pas oublier cette leçon que Bourdeau venait de lui donner. Il se souvint que l'usage de son prénom, naguère habituel entre eux, avait laissé la place à un « Monsieur » déférent, plus conforme à leurs nouvelles relations. Il demeurait toutefois convaincu que l'inspecteur avait, pour lui, un réel attachement, auquel répondait, de sa part, une estime vraie. Il se promit de veiller à la lui prouver, d'autant plus que c'était lui-même qui avait réclamé Bourdeau comme adjoint à M. de Sartine.

    Le silence dura jusqu'au moment où Bourdeau, jurant sourdement, attira l'attention de Nicolas sur ce qui se passait dans la salle. Les deux suspects s'étaient levés et, après avoir vidé un dernier verre, quittaient la taverne. L'inspecteur souffla à Nicolas de compter lentement jusqu'à trente ; alors seulement, ils pourraient sortir à leur tour sans donner l'alarme et sans risquer de buter sur l'objet de leur filature. Bourdeau avait ordonné à leur guide de surveiller discrètement la sortie des deux lascars, afin d'éviter de les perdre. Il conseilla à Nicolas de feindre l'ivresse. Ils se levèrent titubant, appuyés l'un à l'autre, et, se heurtant aux tables, ils sortirent du tripot.
    Le froid les saisit. Il s'était remis à neiger. Bourdeaudésigna les pas dans la neige et la marque du pilon. Le ciel était avec eux : il leur suffirait de suivre les empreintes. Ils n'eurent pas longtemps à marcher. À quelques centaines de pas de la taverne, s'ouvrait une impasse, étroit chemin de terre enserré entre des fascines. Une ombre leur désigna du bras la venelle et disparut. Une barrière de bois, couverte d'une sorte de chapiteau, fermait l'entrée d'un terrain. À travers les interstices des palissades, l'obscurité laissait deviner un entrepôt ou une grange dont la masse arrêtait le regard. Aucun bruit ne se faisait entendre. L'inspecteur murmura à l'oreille de Nicolas, qu'en cas de double issue ils risquaient de perdre leurs clients et que, les archers n'étant pas encore arrivés, ils devaient agir seuls et sur-le-champ. Nicolas approuva en hochant la tête.
    Bourdeau poussa doucement la barrière. Elle céda avec un grincement. Ils pénétrèrent à l'aveuglette dans l'enclos. Nicolas sentit aussitôt une chape de tissu grossier lui couvrir la tête dans le même temps qu'il éprouvait contre ses côtes la pointe d'un couteau. Il entendit à côté de lui un bruit sourd suivi de

Weitere Kostenlose Bücher