Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen

L'énigme des blancs manteaux

Titel: L'énigme des blancs manteaux Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-François Parot
Vom Netzwerk:
soupira longuement et mourut. La main de Nicolas guidée par celle de Fine lui ferma les yeux. Il avait le visage serein.
    La fidèle gouvernante prit les choses en main avec une sorte d'acharnement têtu. Comme le voulait la coutume de sa Cornouaille natale, dont le chanoine aussi était originaire, elle fit un signe de croix au-dessus de la tête du mort, puis ouvrit toute grande la croisée, pour aider l'âme à s'échapper du corps. Après quoi, elle alluma un cierge au chevet du lit et envoya la servante prévenir le chapitre et la femme du porte-bannière, experte en ces cérémonies. Lorsqu'elle arriva, le glas sonnait à la Collégiale. Les deux femmes firent la toilette du mort, placèrent ses paumes l'une contre l'autre, et nouèrent les mainsavec un chapelet. Une chaise fut disposée au pied du lit, sur laquelle on posa une assiette d'eau bénite et un brin de buis.

    Les heures qui suivirent parurent interminables à Nicolas. Glacé, il n'avait aucune conscience de ce qui se passait autour de lui. Il dut répondre aux salutations de tous ceux qui se succédaient dans la chambre mortuaire. Des prêtres et des religieuses, se relayant au chevet du mort, récitaient la litanie des trépassés. Comme c'était l'usage, Fine servait crêpes et cidre aux visiteurs dont beaucoup demeuraient dans la grande pièce à parler à voix basse.
    M. de Ranreuil était arrivé dans les premiers, sans Isabelle. Cette absence avait troublé l'émotion de Nicolas à revoir son parrain. Sous son ton cavalier, le marquis dissimulait mal son chagrin de voir partir un vieil ami et, avec lui, une complicité de trente ans. Il eut à peine le temps, dans la presse, de dire à Nicolas que M. de Sartine lui avait écrit qu'il était content de lui. Il fut entendu que le jeune homme se rendrait à Ranreuil après les funérailles, qui devaient se dérouler le dimanche.
    Au fur et à mesure que s'égrenaient les heures, Nicolas observait les changements sur le visage du disparu. Le teint cireux des premières heures avait peu à peu viré au cuivre, puis au noir, et les chairs avalées sculptaient maintenant le profil d'un gisant de plomb. La tendresse fuyait devant cette chose qui se défaisait et qui ne pouvait plus être son tuteur. Il dut se ressaisir pour écarter cette impression, qui revint pourtant l'envahir plusieurs fois jusqu'à la mise en bière, le samedi matin.

    Le dimanche, le temps fut beau et froid. Dansl'après-midi, la bière fut conduite sur un brancard à la Collégiale toute proche. Nicolas chercha en vain Isabelle dans la foule qui s'y était rassemblée.
    Il suivait machinalement les chants et les prières, refermé sur lui-même. Il considérait le vitrail qui surmontait le maître-autel et qui représentait les miracles accomplis par saint Aubin, patron du sanctuaire. La grande ogive de verre et de pierre, aux dominantes bleues, perdait peu à peu son éclat dans l'ombre hivernale qui montait. Le soleil avait disparu. Il s'était épanoui le matin dans la transfiguration du levant, il avait resplendi dans la gloire du milieu du jour, il déclinait maintenant.
    Tout homme, pensait Nicolas, devait ainsi parcourir le cycle de sa vie. Son regard retomba sur la bière recouverte d'un drap noir orné de flammes d'argent qui miroitaient faiblement à la lueur incertaine des cierges du catafalque. Il se sentit à nouveau submergé par le chagrin et la solitude.
    L'église était à présent envahie par les ténèbres. Le granit, comme il arrive en hiver, pleurait à l'intérieur. Aux fumées de l'encens et des cierges se mêlait une vapeur d'eau exsudée par les murailles sombres. Le Dies irae éclata comme une conclusion sans espoir. Tout à l'heure, et dans l'attente de la sépulture définitive, les pauvres restes seraient déposés dans la crypte, près des gisants jumeaux de Tristan de Carné et de sa femme.
    Nicolas songea que c'était précisément là qu'il avait été abandonné, et que le chanoine Le Floch, il y aurait bientôt vingt-deux ans, l'avait découvert et recueilli. L'idée que son tuteur retrouvait la terre à cet endroit même lui fut comme une mystérieuse consolation.
    Le lundi fut morne et Nicolas subit le contrecoup des fatigues et des chagrins. Il ne se décidait pas à rendre visite au marquis qui, à l'issue du service, lui avait renouvelé son désir de le voir.
    Fine, oublieuse de sa propre peine, ne savait comment le distraire de ses pensées. Elle eut beau lui préparer les plats

Weitere Kostenlose Bücher