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L'énigme des blancs manteaux

Titel: L'énigme des blancs manteaux Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-François Parot
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taille et la colère qui les animait les rapprochait douloureusement. Ce fut le marquis qui parla le premier.
    — Nicolas, je veux que vous laissiez Isabelle.
    — Monsieur, je l'aime, répliqua le jeune homme dans un souffle.
    Il se rapprocha d'elle. Elle les regardait tour à tour.

    — Mon père, vous m'avez trompée ! s'écria-t-elle Nicolas, m'aime et j'aime Nicolas.
    — Isabelle, cela suffit, laissez-nous ! J'ai à parler avec ce jeune homme.
    Isabelle mit sa main sur le bras de Nicolas qu'elle serra et, sous ce geste où il y avait tout, il blêmit et chancela. Elle sortit en courant, ramassant dans ses mains les flots de sa robe.
    Ranreuil, qui avait repris son calme habituel, dit à voix basse :
    — Nicolas, comprends-tu que tout cela m'est très pénible?
    — Monsieur, je ne comprends rien.
    — Je ne veux plus que tu voies Isabelle. Entends-tu ?
    — J'entends, monsieur, que je ne suis rien d'autre qu'un enfant trouvé, recueilli par un saint homme et que je dois m'effacer.
    Il soupira.
    — Mais sachez, monsieur, que je me serais fait tuer pour vous.
    Il salua et s'apprêtait à sortir, quand le marquis l'arrêta en le saisissant aux épaules.
    — Mon filleul, tu ne peux comprendre. Fais-moi confiance, un jour tu sauras. Je ne peux rien t'expliquer maintenant.
    Ranreuil parut soudain vieilli et fatigué. Nicolas se dégagea et sortit.
    À quatre heures, le jeune homme quittait Guérande au galop sans espoir d'y revenir jamais. Il n'y laissait qu'un cercueil non encore enseveli et une vieille femme qui pleurait dans une maison dévastée. Il y abandonnait aussi son enfance et ses illusions. Il ne se souviendrait plus de ce voyage de retour insensé.
    Tel un somnambule, il franchit forêts et rivières, villes et villages, ne s'arrêtant que pour changer de monture. Épuisé, il dut toutefois se résoudre à prendre la malle rapide à Chartres.
    C'était le jour même où la vieille Émilie épiait deux individus suspects à Montfaucon.

III
    DISPARITIONS
    Y quieran que adivine Y que no vea... Et veulent qu'il devine Sans qu'il voie...
    Francisco de Quevedo y Villegas

    Dimanche 4 février 1761
    L'entrée dans Paris ramena Nicolas sur terre comme un réveil brutal. Il émergeait après un long engourdissement.
    La nuit était tombée depuis longtemps quand la malle arriva à la poste centrale, place du Chevalier-au-Guet. Sa voiture avait pris du retard en raison des chemins détrempés et, par endroits, inondés. Il retrouva un Paris qu'il ne reconnaissait pas. En dépit du froid et de l'heure avancée, un vent de folie soufflait sur les quartiers. Il fut à l'instant enveloppé, bousculé, étouffé et tourmenté par des bandes hurlantes dont les membres, masqués et ricanants, gesticulaient et se dépensaient en mille folies.
    Un convoi en soutanes, surplis et bonnets carrés figurait la pompe funèbre d'un mannequin de paille. Un misérable vêtu en prêtre et portant une étole contrefaisait un officiant. Le tout était environné de filles travesties en religieuses qui simulaient des femmes grosses, pleurant et se lamentant. Tout ce cortège marchait à la lueur de flambeaux et bénissait le public avec un pied de porc trempé dans de l'eau sale. Chacun semblait pris de frénésie et les femmes étaient de loin les plus audacieuses.
    Une fille masquée se jeta sur Nicolas, l'embrassa, lui murmura à l'oreille « Tu es triste comme la mort » et elle lui tendit le masque grimaçant d'un squelette. Il se dégagea vivement et s'éloigna sous un chapelet d'injures.
    Le carnaval avait commencé. Du début de l'année au mercredi des Cendres, les nuits seraient à la merci d'une jeunesse déchaînée se mélangeant à la canaille.

    Peu avant Noël, M. de Sartine avait réuni tous les commissaires des quartiers, et Nicolas, à l'écart, avait assisté à ce conseil de guerre. Échaudé par les scandaleux excès qui avaient marqué le carnaval de 1760, le premier de son mandat, le lieutenant général de police ne souhaitait pas que se renouvelassent des débordements dont le roi lui-même s'était inquiété. Les amendes et les arrestations ne suffisaient plus. Il était nécessaire de tout prévoir et de tout maîtriser ; la machine policière devait mettre en marche ses plus infimes rouages.
    Confronté aux réalités de la nuit, Nicolas comprit mieux les propos de M. de Sartine. Tout au long de son chemin, la licence régnait sans partage sur la ville. Il regretta vite de ne pas s'être masqué

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