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L'énigme des blancs manteaux

Titel: L'énigme des blancs manteaux Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-François Parot
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il s'enfonça dans les terres. Il parvint, sans encombre, à l'abbaye de Saint-Gildas-des-Marais, où les moines l'accueillirent avec curiosité, heureux de cette distraction inattendue. Tout près des bâtiments,des loups s'acharnaient sur une charogne; ils ne prirent pas garde à lui.
    A l'aube, il gagna la forêt de la Bretesche. Son parrain, ami des Boisgelin, y courait le sanglier chaque automne. Seules les bases des tours du château se devinaient au loin. Il abordait des paysages connus.

    Pendant la nuit, le vent s'était levé en tempête, comme il arrive souvent dans ces régions. Sa monture peinait. La tourmente hurlait de telle manière que Nicolas en était comme sourd. Le chemin détrempé, qui longeait les tourbières, était jonché de branches arrachées. Les nuages volaient si bas que la pointe des grands pins semblait les déchirer.
    Parfois, la fureur des éléments cessait d'un coup. Tout se figeait et, dans le silence revenu, on entendait le cri aigu des grands oiseaux de mer qui, chassés du littoral, planaient au-dessus des terres.
    Mais la tourmente ne tardait pas à reprendre. Le sol était parcouru de lambeaux d'écume blanche qui se poursuivaient, s'arrêtant puis se dépassant. Certains s'agglutinaient dans les halliers ou dans le creux des souches, comme une neige marine. D'autres glissaient sur la surface encore gelée des marais. Les vagues, à quelques lieues de là, laissaient sur la grève des masses blanches aux reflets jaunes que la tempête dissociait, démembrait, en allégeant les débris qu'elle emportait dans les terres. Nicolas sentit, sur ses lèvres, la trace salée de l'océan.

    La vieille cité féodale apparut à travers un bouquet d'arbres. Elle flottait au milieu des marais comme une île détachée des terres blanches et noires qui l'entouraient. Nicolas poussa son cheval et gagna au galop la ceinture des murailles.
    Il entra dans Guérande par la porte Sainte-Anne. La ville semblait désertée de ses habitants et les pas de son cheval, répercutés par les vieilles pierres, réveillaient les échos des rues.
    Place du Vieux Marché, il s'arrêta devant une maison de granit, attacha sa monture à un anneau du mur et pénétra, les jambes tremblantes, dans le logis. Il se heurta à Fine qui, ayant entendu du bruit, s'était précipitée pour l'accueillir.
    — Ah! c'est vous, monsieur Nicolas! Merci, mon Dieu!
    Elle l'étreignit en pleurant. Sous la coiffe blanche, le vieux visage ridé, contre lequel il avait caché ses chagrins d'enfant, se crispait, les pommettes violacées.
    — Quel grand malheur, Jésus, Marie, Joseph! Notre bon Monsieur s'est trouvé mal le soir de Noël, durant la messe. Deux jours après, il a pris froid en allant ranimer la sainte lampe. Depuis, tout a empiré, la goutte s'y est ajoutée; le docteur dit qu'elle est remontée. Le voilà perdu. Il n'a plus sa tête. Il a reçu les sacrements hier.
    Le regard de Nicolas se posa sur un coffre. Le manteau, le chapeau et la canne de son tuteur y étaient posés. À la vue de ces objets familiers, le chagrin lui monta à la gorge.
    — Fine, allons le voir, fit-il d'une voix étranglée.
    Petite et menue, Fine tenait le grand cavalier par la taille tandis qu'il montait l'escalier. La chambre du chanoine était dans la pénombre, seulement éclairée par les flammes de la cheminée. Il reposait immobile, la respiration hachée et sifflante, les deux mains crispées sur le haut du drap. Nicolas se jeta à genoux et murmura:
    — Mon père, je suis là. M'entendez-vous? Je suis là.
    Il avait toujours usé de cette formule pour s'adresser à son tuteur. En vérité, c'était bien son père qui se trouvait là, mourant. Celui qui l'avait recueilli, qui s'était occupé de lui avec constance et lui avait manifesté en toutes circonstances une égale affection.
    Désespéré, Nicolas prit conscience de l'amour qu'il avait toujours porté au chanoine; et que de cela, il n'avait jamais parlé, tant la chose allait de soi et que, jamais plus, il n'aurait l'occasion de le lui dire. Il entendait encore la voix de celui qui gisait là lui dire doucement, — avec quelle tendresse, il le comprenait maintenant: « Monsieur mon pupille. »
    Nicolas prit la main du vieillard et l'embrassa. Ils restèrent ainsi longtemps.
    Quatre heures sonnaient quand le chanoine ouvrit les yeux. Une larme apparut au coin d'un œil et coula le long d'une joue amaigrie. Ses lèvres s'agitèrent, il tenta d'articuler quelque chose,

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