Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen

L'envol des tourterelles

Titel: L'envol des tourterelles Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arlette Cousture
Vom Netzwerk:
qu’elle s’est endormie à l’église?
    – Absolument! Parce que si elle n’apprend pas à rire d’elle-même de temps en temps, sa vie va être rudement longue.
    – Elle n’a rien de mon père, Jerzy. Je crois que c’est à toi qu’elle ressemble.
    Stanislas savait bien que sa sœur avait été terriblement humiliée de n’avoir pas chanté à Noël, et son père le savait aussi. Il hésita entre le fou rire et l’envie de monter la consoler. Sa mère avait fait claquer sa langue sur sa canine. Elle faisait ce geste très souvent et son père lui disait toujours que c’était une sorte de point final.
    «Quand ta mère fait ce petit bruit, cesse de discuter. Elle devient automatiquement sourde à tout ce que tu pourrais ajouter. Fie-toi à moi. C’est le coup de cymbales qui annonce la fin du concerto.»
    Stanislas essaya d’entendre des sons provenant de l’étage, mais sa sœur semblait maintenant silencieuse. Sa mère était revenue de la cuisine, où elle était allée chercher le gâteau que lui et sa sœur avaient fait, Sophie la pâte, lui le glaçage aux noix.
    Jerzy les regarda tous les deux et vit qu’Anna avait l’air franchement peinée. Il s’essuya la bouche, déposa sa serviette de table, caressa la joue de sa femme du revers de la main, décoiffa son fils au passage et monta l’escalier. Il frappa à la porte de la chambre de Sophie et y entra. Il reconnut le papier d’emballage du cadeau chiffonné sur le lit et vit ce qu’il crut être de la laine courir à travers toute la pièce, s’emmêlant autour du pied de la lampe de travail, des cadres, des poignées des tiroirs de la commode, pendant à la tringle avec le rideau. Sophie, les yeux bouffis, en avait même autour du cou.
    – On dirait qu’une chatte s’est amusée ici.
    Sophie ne broncha pas. Jerzy s’approcha et tira sur la laine, qui s’avéra être un ruban magnétique brun qui, trop tendu, lui cassa entre les doigts au même moment qu’il remarquait la bobine à laquelle il avait étéarraché. Sophie se mit à sangloter, expliquant qu’elle était tellement fâchée qu’elle avait complètement brisé son cadeau d’anniversaire. Jerzy froissa le ruban qu’il tenait entre ses mains, comprenant un peu tard la profondeur du chagrin de sa fille. Elle ajouta qu’elle avait enregistré toutes les chansons qu’il aimait et même celle qu’elle n’avait pu chanter à Noël.
    – Stanislas m’a accompagnée au piano. Et nous avions emprunté le magnétophone de l’école. Maintenant, nous n’avons pas mes belles chansons, tu n’as pas de cadeau et maman doit rendre le magnétophone demain.
    Jerzy ne dit pas un mot; il était coincé dans un treillage de sentiments, furieux contre sa fille parce qu’elle n’avait pas su contrôler sa colère, contre lui-même parce qu’il l’avait chagrinée, contre Anna parce qu’elle n’avait rien dévoilé de la surprise; ému par l’imagination de sa fille qui avait certainement eu elle-même cette extraordinaire idée de cadeau, et un peu agacé par l’immense complicité existant entre elle et Stanislas et qui lui rappelait trop fréquemment celle qu’il y avait entre Jan et Élisabeth. Sans dire un mot, incapable même de trouver ceux qui auraient pu consoler Sophie, il commença à défaire l’écheveau. Remarquant que Sophie ne perdait aucun de ses gestes, il chantonna, à un rythme normal, puis, enroulant le ruban rapidement, accéléra sa chanson, arrêtant net quand le ruban se brisait, ou faisant un son qui imitait un rembobinage quand il devait défaire un peu de son travail. Sophie essaya vainement de ne pas s’en amuser, mais un furtif coup d’œil lui fit comprendre qu’elle n’avait rien perdu de ce qu’il faisait. Jerzy baissa les mains quelques instants, invitant sa fille à chanter unedes chansons enregistrées. Sophie hésita une seconde avant d’entonner de sa voix claire, juste et prometteuse de soprano l’
Hymne au printemps
que les religieuses leur faisaient répéter pour le récital de Pâques. Jerzy vit qu’elle gardait les yeux fixés sur ses mains et il comprit qu’elle aussi voulait faire le magnétophone. Il reprit donc son travail de rembobinage fictif, accéléra et ralentit, Sophie le suivant comme s’ils avaient répété pendant des heures. Si Jerzy décida à cet instant de ne plus jamais la taquiner au sujet de son sommeil de Noël, il se fit aussi la promesse de lui trouver le meilleur professeur de chant,

Weitere Kostenlose Bücher