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L'épopée d'amour

Titel: L'épopée d'amour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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étouffé :
    – La reine ! Voici la, reine !
    Toutes, alors, se levèrent et demeurèrent silencieuses, courbées, frissonnantes.
    Catherine s’avança lentement, arrivant du fond de l’église, probablement de la sacristie.
    Elle était entièrement vêtue de noir. Le long voile des veuves enveloppait et cachait son visage. Sur sa tête, une couronne royale en or vieilli jetait de vagues reflets.
    Elle traversa les rangs et s’agenouilla au pied de l’autel.
    Toutes s’agenouillèrent.
    Puis le fantôme se releva et monta les trois marches de l’autel.
    Alors Catherine, rejetant sur ses épaules le voile qui couvrait son visage, se tourna vers les jeunes femmes qui, debout maintenant, muettes, violemment impressionnées, la regardaient avec une sorte de crainte superstitieuse.
    La reine leur apparaissait grandie.
    Dans l’obscurité, son visage semblait plus livide.
    Seuls, ses grands yeux vivaient dans ce visage, et brillaient d’un éclat funeste.
    La reine jeta un long regard sur ces filles.
    Elle avait des gestes lents, mystérieux, des gestes de prêtre accomplissant quelque funèbre office.
    Catherine de Médicis fut satisfaite de ce qu’elle vit.
    Ces cinquante visages de jeunes femmes tournés vers elle étaient comme pétrifiés par l’angoisse de cette mise en scène. Et elle-même, à la sourde émotion qui la faisait palpiter, elle si forte, elle comprit tout l’effet qu’elle avait dû produire.
    Oui, la reine était émue !
    Prodigieuse comédienne, poétesse tragique, visionnaire des drames sanglants où son ardente imagination évoluait à l’aise, elle se laissait prendre à sa propre comédie, elle admirait l’horreur de cette scène qu’avait créée son cerveau surexcité et qui se réalisait en un tableau saisissant.
    Un souvenir traversa son esprit.
    Elle se revit à la bataille de Jarnac, trois ans auparavant, dansant au son des violes sur le champ de bataille avec ces mêmes filles qui étaient devant elle ; elle entendit les éclats de rire de ces femmes lorsqu’il leur arrivait de marcher sur un blessé, ou de laisser traîner le bas de leurs robes dans une flaque de sang ; et dans sa tête le son des violes se mêlait au son du canon : pendant qu’elle dansait, on bombardait les huguenots en déroute ; puis, toute la joyeuse bande s’était heurtée soudain à un entassement de cadavres, au pied d’un mamelon ; il y avait là trois cents huguenots qui s’étaient fait hacher sur place… et c’était toute la famille du vieux sire de la Vergne : l’ancêtre âgé de quatre-vingts ans, ses fils, ses petits-fils, ses frères, ses cousins… tous étaient là, le plus âgé de seize ans ! tous couchés en tas les uns sur les autres, immobiles, déjà raidis… Et autour de ce tas de morts, l’escadron volant de la reine avait organisé une sarabande délirante…
    Du sang et des danses !
    Des cadavres et des jeunes filles qui rient !
    De la mort et de l’amour !
    L’esprit de Catherine était fait de ces antithèses exorbitantes, de ces formidables contrastes.
    Elle en jouissait pleinement, et une émotion morbide la faisait palpiter à ce souvenir qui en éveillait d’autres…
    Sous ces yeux, maintenant, dans l’église noire, emplie de silence, l’escadron volant était là, non pas au complet : sur les cent cinquante filles de noblesse qu’elle surexcitait, transformant les unes en ribaudes, les autres en espionnes, elle n’avait fait venir que celles dont elle était très sûre : tempéraments fougueux, femmes qui n’avaient de la femme que la beauté du corps, reîtres féminins capables de jouer du poignard.
    Celles-ci lui étaient soumises, lui appartenaient corps et âme.
    Elle était pour elles un dieu.
    Leur admiration pour la souveraine maîtresse tenait de l’adoration.
    Ribaudes, guerrières, espionnes, hystérisées par les passions, par les plaisirs orgiaques, surmenées de jouissances et de superstition, dans un couvent, elles eussent été des possédées. Elles l’étaient en effet : l’âme de Catherine les brûlait…
    Après cette même bataille de Jarnac, le soir, dans les odeurs de sang, dans la terrible mélancolie du champ de carnage, parmi les plaintes des blessés, elles s’étaient répandues dans le camp, masquées, s’offrant, se donnant aux chefs qui avaient le plus tué…
    Le meurtre leur était une joie comme l’amour.
    Et elles étaient jeunes, belles, oui, belles à inspirer autour d’elles d’effroyables

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