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L'épopée d'amour

Titel: L'épopée d'amour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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la toucha à l’épaule et murmura :
    – Catherine !…
    La reine releva la tête ; cette tête était effrayante.
    – René, demanda la reine dans un souffle, tout est-il prêt ?
    Ruggieri joignait les mains.
    – Madame, dit-il d’une voix sourde, ceci est un rêve atroce. Oh ! vous lui ferez grâce, n’est-ce pas ? Grâce, ma reine ! Pitié pour mon fils ! Pitié pour moi qui vous ai aimée jusqu’à me faire empoisonneur ! Qu’est-ce que cela vous fait que cet homme vive ? Puisqu’il va partir ! Puisqu’il ne reviendra jamais !…
    La reine s’était mise debout.
    – René, dit-elle, par le Dieu vivant qui nous écoute, je te jure que j’ai aujourd’hui voulu le sauver… J’ai interrogé Alice… J’ai surpris la vérité… Elle est terrible, cette vérité ! Non seulement Déodat sait qu’il est mon fils, mais il s’en vante ! Alice de Lux connaît le secret. Et comment le saurait-elle, s’il n’avait parlé ?… Qui sait ce qu’à eux deux ils pourraient faire de ce secret si je les laissais fuir ?… Non, René, il n’y a pas de pitié possible, puisque je n’en ai pas trouvé au fond de mon cœur, sous le regard de Dieu… Et toi-même, ne l’as-tu pas condamné ? Ne l’as-tu pas vu mort, le sein percé ? Son ombre ne t’est-elle pas apparue là-bas, dans la tour… Tu vois bien que Dieu l’avait condamné avant moi !
    – Ce fut une vision de mon esprit malade, dit Ruggieri, dont les dents claquaient. Grâce, madame !… Tenez… je partirai avec eux… je les surveillerai…
    – Tais-toi, René… Voici le signal… là… à cette porte…
    – Non ! c’est le tonnerre qui gronde ! c’est la voix de Dieu qui nous maudit !
    – Va ouvrir, te dis-je !…
    Ruggieri tomba à genoux.
    – Catherine !… Quoi !… Le sang de votre sang ! la chair de votre chair ! vous n’en aurez pas pitié !…
    La reine se pencha, saisit l’astrologue par le bras et, comme dans ce moment de véritable hystérie sanglante, ses forces étaient décuplées, d’un mouvement irrésistible, elle le releva.
    – Misérable, gronda-t-elle, veux-tu donc que je sacrifie honneur, gloire, puissance, royauté, à ta faiblesse indigne ! Prends garde toi-même ! Accusé de sorcellerie, accusé de plus de meurtres que tu ne comptes d’années, tu ne vis que par moi… Que ma main cesse de te soutenir, et la meute de tes accusateurs se déchaîne ! Que demain ma tête se détourne de toi, et demain, René, tu es saisi, jugé… Demain, c’est la torture ! Demain, c’est le bûcher !…
    Ruggieri, saisi d’un vertige sans nom, leva les bras vers les voûtes obscures.
    – Va ouvrir ! commanda la reine.
    Titubant, se heurtant aux grilles du chœur, aux aspérités des piliers massifs, il gagna la porte que lui indiquait Catherine et ouvrit.
    Un homme, un moine, lui apparut.
    Son capuchon était rabattu sur ses yeux.
    Le moine entra. Il se retourna vers Ruggieri qui, hagard, les cheveux hérissés, le regardait de ses yeux fous.
    – Où dois-je aller ? demanda lentement le moine.
    Ruggieri étendit le bras vers le maître-autel et, d’une voix rauque, sans expression humaine, gronda :
    – Là !… C’est là qu’elle attend !… Va… bourreau !…
    Le moine tressaillit longuement.
    Ruggieri, les yeux tournés vers lui, recula, le bras tendu, et franchit la porte. Alors, le moine entendit une plainte déchirante que couvrait le roulement d’un coup de tonnerre, et, à la lueur de l’éclair, il vit l’homme qui s’en allait, se sauvait en trébuchant, les deux poings dans ses cheveux, grondant de sourdes imprécations.
    Alors il ferma lui-même la porte, et laissant retomber son capuchon sur ses épaules, se dirigea vers le maître-autel.
    Catherine le vit venir sans faire un pas à sa rencontre.
    Quand il fut près d’elle, la reine murmura :
    – C’est bien, marquis de Pani-Garola. Fidèle au rendez-vous. Fort dans l’amour. Fort dans la mort. Soyez le bienvenu.
    Panigarola tourna la tête vers la porte qu’il venait de fermer et songea :
    « Pourquoi cet homme m’a-t-il appelé bourreau ?… »
    – Marquis, dit la reine, vous avez tenu parole. Grâce à vous, Paris est en ébullition. Grâce à vous, les paroisses sont autant de foyers d’incendie. Il n’y manque que l’étincelle qui mettra le feu à tant de passions. Merci, mon révérend… A moi de tenir ma parole. Ici, dans un instant, vous allez voir celle que vous aimez…
    – Alice !

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