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L'épopée d'amour

Titel: L'épopée d'amour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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les épaules.
    – J’irai moi-même, murmura sourdement Ruggieri, le glas de mon fils n’a pas été sonné… Je le sonnerai !…
    – Son fils ! songea la reine. Mon fils !…
    Elle eut un geste violent et rude pour écarter d’importunes pensées et reprit :
    – A propos, qu’as-tu fait de Laura ?
    – Morte, dit Ruggieri.
    – Et Panigarola ?
    – Je ne sais pas.
    – Il faudra savoir. Cet homme peut être dangereux… s’il survit à son amante… Va maintenant, j’ai à travailler…
    Ruggieri disparut silencieusement, pâle comme un fantôme.
    La reine se mit à table. Bien qu’il fût plus de trois heures, elle n’avait nullement sommeil. Elle saisit sa plume et fébrilement commença à écrire…
    Mais bientôt, elle s’arrêta… la plume tomba de ses mains…son front s’inclina et, d’une voix sourde, à peine perceptible, dans un long et terrible soupir qui gonfla son sein, elle murmura :
    – C’était mon fils !
    Cependant, Charles IX, la tête en feu, le corps grelottant de fièvre s’était traîné hors de l’oratoire, le long du couloir réservé, et avait regagné sa chambre à coucher.
    Il se jeta tout habillé en travers de son lit, mais n ‘y demeura que quelques minutes.
    Il allait et venait d’un pas tremblant, et parfois soulevait les rideaux de sa fenêtre pour voir si le jour ne paraîtrait pas. Ses deux lévriers favoris, Nysus et Euryalus, le suivaient d’un air inquiet dans ses évolutions.
    – Que faire pour ne pas penser à cela ? murmurait-il en claquant des dents.
    Il alluma tout ce qu’il y avait de flambeaux dans la chambre, et allant à un petit meuble vitré, en tira un manuscrit.
    – Si je travaillais un peu à mon livre ?…
    Le manuscrit était tout entier dans la main du roi. Il portait ce titre :
La Chasse royale [25]
. Le roi le feuilleta machinalement de ses mains qu’agitaient des tremblements, et arriva jusqu’aux dernières lignes, jusqu’à la dernière phrase. Elle commençait par ces mots :
    – Lorsque l’animal est hallali…
    – Hallali ! gronda le roi. Oh ! l’infernal et sinistre hallali qui se prépare !…
    Il rejeta furieusement le manuscrit au fond du petit meuble. Un gémissement se fit entendre.
    – Qui est là ? hurla Charles en se retournant livide.
    C’était Nysus, l’un de ses deux chiens, qui sollicitait une caresse. Ils étaient là tous les deux, le museau pointu en l’air, le regardant et l’interrogeant.
    – Ah ! fit Charles avec un soupir, c’est vous ?… Que voulez-vous ?… Etes-vous chiens de chasse ?… Est-ce la curée que vous réclamez ?… Arrière, arrière ! C’est trop de sang !…
    Les deux lévriers effarés se reculèrent en jetant une plainte.
    Charles vacilla sur ses jambes, ses mains s’étendirent pour chercher un appui, il tomba. Ses ongles s’incrustèrent sur le tapis ; ses yeux se convulsèrent jusqu’à paraître entièrement blancs ; sa bouche écuma… ses lèvres crispées laissèrent échapper de confuses paroles qui voulaient être des cris et qui ne formaient qu’un murmure à peine perceptible :
    – A moi !… Voici Guise qui m’assassine ! Au meurtre !… Qui vient derrière lui ?… Coligny ! Les huguenots !… A mort ! Tuez, tuez !… Mettez-moi ce Pardaillan au chevalet… Réponds ! Que sais-tu ?… Guise et Coligny me veulent meurtrir, dis ?… Les voici !… A moi !… Cosseins !… Arrêtez ma mère ! Ah ! je meurs !…
    Il demeura pantelant pendant dix minutes.
    Puis se redressant sur ses mains :
    – Que de sang !… Seigneur ! Seigneur !… Voilà que je sue du sang, à présent !… Maître Ambroise, sauvez-moi !… Horreur ! c’est du sang ! une mer de sang ! J’étouffe ! à moi ! Oh ! ils me laisseront noyer dans le sang !… Cela monte… cela clapote… il y en partout… Fuyons, Marie fuyons… Là… plus haut, dans les tours de Notre-Dame !… fuyons, Marie… le sang monte toujours… Plus haut… jusque sur la tour Oh ! les cloches ! Miséricorde ! Le sang monte… Paris ! où est Paris ?… Plus de Paris… tout est submergé dans le sang !…
    Pendant une heure, le roi se débattit contre la crise, dans l’effroyable cauchemar de sa vision.
    Puis, il n’eut plus qu’un souffle court et rauque, puis il tomba d’un morne et profond sommeil…
    Quand il se réveilla, il faisait jour.
    Une fatigue énorme le clouait sur le coin de tapis où il était tombé. Il vit ses deux chiens couchés

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