L'épopée d'amour
des huguenots. Où sont-elles, ces preuves ?
– Vous voulez des preuves ! fit rapidement Catherine. Vous en aurez !
– Et quand cela ?
– Demain matin : pas plus tard. Ecoutez. Je suis parvenue à faire saisir deux aventuriers qui ont surpris bien des secrets et qui en savent long à la fois sur Guise, sur Montmorency et sur Coligny. L’un d’eux est ce jeune homme, le chevalier de Pardaillan, qui vint au Louvre en compagnie du maréchal et qui eut une si étrange attitude. L’autre est son père. Je tiens ces deux hommes. Demain matin, ils vont être interrogés au Temple où ils sont prisonniers. Je vous apporterai le procès-verbal de l’interrogatoire et vous verrez que Coligny n’est venu à Paris que pour vous frapper !
La reine parlait avec une telle force de conviction que Charles, déjà terrorisé, se sentit cette fois convaincu.
Toutefois, il ne voulut pas avoir l’air de céder et dit avec une fermeté apparente qui était bien loin de son esprit :
– C’est bien, madame, demain, je veux lire moi-même l’interrogatoire de ces Pardaillan.
– Ce n’est pas tout, mon fils ! reprit Catherine avec plus d’énergie encore. Je vous ai dit que Tavannes se trouve dans mon oratoire, et vous m’avez dit, vous, que vous vous défiez du maréchal… Eh bien, moi aussi, je m’en défie ! Seulement, je ne me contente pas de supposer, moi. Je vais droit au but et je cherche à savoir la vérité : je la sais !
– Il y a donc une vérité sur Tavannes ! s’écria Charles qui, cette fois, reçut un tel coup au cœur qu’il se laissa tomber dans un fauteuil.
– Une terrible vérité : savez-vous pourquoi le maréchal de Tavannes est au Louvre ? C’est Henri de Guise qui l’a envoyé !… Ainsi cet homme qui commande aux trois quarts de la garnison de Paris, qui, d’un geste, peut faire marcher quatre mille soldats sur le Louvre, cet homme appartient à Guise ! Et que vient-il faire en notre conseil ? S’assurer que vous êtes vraiment le roi, que vous allez prendre les mesures propres à sauver votre trône, votre vie et l’Eglise !… Faute de quoi, c’est Guise qui les prendra ces mesures. Mais lui ne sauvera que l’Eglise… Quant à votre trône et à votre vie, vous devrez lui demander merci. Ah ! Charles… mon fils… mon roi !… du courage, par le sang du Christ ! Voyez les huguenots qui s’apprêtent à une suprême entreprise ! Voyez Guise, qui attend de vous un moment de défaillance pour se faire élire capitaine général et marcher sur vous… sur le roi ami des hérétiques !…
– Par l’enfer ! gronda Charles en se relevant. Ah ! pour ceux-là, pas d’hésitation ! Je n’ai que trop bien compris leur trahison. Je veux que sur l’heure même, on arrête Guise en son hôtel ! Je veux qu’on arrête Tavannes dans votre oratoire… Holà !…
– Sire ! Sire ! cria Catherine en s’élançant et en plaçant sa main sur la bouche du roi pour l’empêcher d’appeler.
– Eh ! madame ! êtes-vous donc aussi avec eux ! dit Charles en se débarrassant de l’étreinte.
– Charles, qu’allez-vous faire ? Où sont vos gardes pour arrêter Guise ? Sachez que Paris tout entier se lèvera pour le défendre. Ce n’est pas seulement du courage et de l’énergie qu’il faut ici, c’est de la prudence ! Laissez Guise s’endormir dans sa sécurité, et nous le rattraperons bien tôt ou tard. L’essentiel est qu’il ne puisse rien faire cette nuit ni demain ; et pour cela, il faut qu’il sache par Tavannes que vous êtes décidé à sauver l’Eglise !… Venez, Charles, venez mon fils… allons jouer ensemble la partie suprême qui doit raffermir sur votre tête cette couronne chancelante que tant de regards curieux voient prête à tomber !
Catherine paraissait transfigurée par l’enthousiasme.
Jamais le roi ne l’avait vue si forte, si vaillante, avec un visage enflammé, des yeux où roulaient des pensées tragiques.
Elle fut belle, en cette minute, de cette beauté fatale et sombre des génies du mal, lorsqu’ils sont sur le point de se déchaîner sur le monde.
Et lui, chétif, malingre, suant l’épouvante et la fièvre, il se sentit près d’elle comme un petit enfant.
Elle l’avait pris par la main et l’entraînait avec une irrésistible vigueur.
La reine atteignit son oratoire, ouvrit brusquement la porte et s’effaça devant Charles IX, qui entra le premier.
– Le roi ! dit Tavannes.
Les autres se
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