L'épopée d'amour
m’a trop dit que les rois ne sont forts que lorsqu’on les redoute, lorsqu’ils tuent… et cela, vois-tu, m’est entré dans le sang…
– Allons, tout cela passera… Il ne te faut qu’un peu de repos…
– Oui… du calme… du repos… Mais où en trouver hormis ici ? Marie, je suis entouré de conspirateurs.
– N’y songe pas en ce moment. Prends ici, du moins, le peu de repos qui calme ta pauvre chère tête… plains-toi, dis-moi ce que tu as souffert, mais ne me dis pas ce que tu redoutes, car c’est toujours en songeant à ces choses que tu t’affoles… enfant !… tu es le roi… rassure-toi, nul n’oserait te toucher…
Elle parla ainsi longuement de sa voix douce et monotone, le berçant, le consolant…
Mais cette fois le roi ne voulait pas être consolé. Trop de choses et des choses trop terribles se préparaient autour de lui. Et comme il n’osait en parler, il se mit à raconter que le parti des Guises travaillait à sa perte et que sa mère avait découvert la preuve de la conspiration, et que, ce matin même, on allait questionner deux dangereux acolytes de Guise.
– Voici neuf heures, termina-t-il. Dans une heure, ces maudits Pardaillan auront tout avoué, et je saurai la vérité.
Marie Touchet jeta un cri.
– Tu dis qu’on va questionner deux hommes qui s’appellent Pardaillan ?
– Oui-dà. Ce sont sans doute des serviteurs de Guise. Il est sûr qu’ils sont au courant de bien des secrets…
– Sire, s’écria Marie Touchet, je vous demande grâce pour ces deux hommes.
– Cà ! perds-tu la tête !…
– Non, non, mon bon Charles ! Ne t’ai-je pas dit que j’ai été sauvée par deux inconnus qui m’ont dit s’appeler Brisard et La Rochette ?… Eh bien, ce sont eux ! Ramus a su leurs vrais noms…
– Ah ! tu vois bien qu’ils conspirent, puisqu’ils cachent leurs noms… Ecoute, Marie, veux-tu que je sois tué ?…
– Charles ! mon Charles ! je te jure qu’ils ne peuvent être coupables ! Oh ! tu les cherchais pour les combler d’honneurs… et voici qu’on va les questionner !… Ceci est affreux, sire ! Ces deux hommes m’ont sauvée ! Si je suis vivante, c’est à eux que je le dois…
– Marie !…
– Non, Charles ! Je serais une infâme si je laissais livrer au bourreau deux vaillants gentilshommes qui ont risqué leur vie pour moi ! Ne peux-tu les faire venir au Louvre ? les interroger sans l’aide du bourreau ? Ils diront tout ! Je m’en fais la caution !…
– C’est pardieu vrai ! Pourquoi ne leur parlerais-je pas moi-même ?…
Marie, toute tremblante, entraîna le roi à un secrétaire.
– Ecris, dit-elle, écris un ordre de sursis. Ah ! qu’ils ne soient pas tenaillés !… Ils seront tout de même en prison, puisqu’on les tient !…
Charles écrivit l’ordre de sursis…
– Où sont-ils ? demanda-t-elle.
– Au Temple. Je vais envoyer…
– Non, non ! J’y vais ! J’y cours ! s’écria Marie Touchet en jetant à la hâte une capeline sur sa tête et un manteau sur ses épaules. Donne-moi seulement un sauf-conduit…
Charles écrivit le laisser-passer. Il apposa son cachet sur les deux papiers et les remit à Marie Touchet qui les serra dans ses bras.
– O mon Charles, comme tu es bon… comme je t’aime !…
Et elle s’élança au dehors, laissant le roi tout effaré, mais charmé. On sait le reste. Le roi demeura quelques minutes encore dans la paisible maison, alla revoir son fils qui dormait dans son berceau ; puis, calme, l’âme purifiée, les yeux brillants, il reprit le chemin du Louvre.
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Chapitre 28 LE MESSIE DE LA SAINTE-INQUISITION
L a reine, en quittant le Temple, était rentrée secrètement au Louvre où l’attendaient quelques seigneurs à qui elle avait donné rendez-vous pour huit heures. L’ordre de surseoir à l’interrogatoire des Pardaillan était pour elle une grosse déception.
En effet, elle avait espéré surprendre enfin la preuve de la trahison de Guise.
Par avance, elle avait préparé un coup de théâtre qui devait mettre Henri de Guise à sa discrétion…
Mais renvoyant à plus tard ses projets, écartant de son esprit méthodique toute préoccupation de cet ordre, la reine arriva au Louvre sans que rien de son visage ou son attitude révélât qu’elle venait d’éprouver une terrible contrariété.
Passant par un couloir secret, elle arriva à son oratoire.
Sa suivante florentine l’attendait.
– Qui est là ?
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