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L'épopée d'amour

Titel: L'épopée d'amour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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en réalité se réclamer de sa naissance ; voilà la vérité, comte ! Et voilà ce qui fait qu’une mère hésiterait à vous laisser épouser une fille dont on ne connaît ni père ni mère.
    Cette étrange accusation proférée devant Déodat – l’enfant trouvé lui-même – était une de ces audaces comme les concevait le sombre cerveau de Catherine. N’être pas « née » était alors pour une fille un terrible malheur. Et la société moderne n’est-elle pas aussi féroce que les vieilles sociétés, en poursuivant de sa haine et de son mépris dans ses lois et ses coutumes ceux qu’elle appelle des bâtards, parce que la minute d’amour qui les créa ne fut pas visée, parafée et cyniquement autorisée par un monsieur porteur d’une écharpe autour du ventre ?
    Quoi qu’il en soit, Catherine savait admirablement ce qu’elle faisait.
    Le comte, radieux, s’écria :
    – Je cours me jeter aux pieds d’Alice… Puisse-t-elle me pardonner d’avoir osé la soupçonner !
    – Ainsi, comte, vous passez outre ?… malgré ce que je viens de vous révéler ?…
    – Ah ! madame, murmura Marillac d’une voix basse et ardente, comment cela pourrait-il m’arrêter, alors que moi-même…
    Il se tut subitement, en voyant le nuage de tristesse qui couvrait soudain le front de la reine, et, se courbant devant elle, ajouta :
    – Madame, je vous bénis pour la joie immense que vous venez de me donner… c’est à vous que je dois la vie…
    – Eh bien, comte, eh bien, puisque vous voulez que se fasse ce mariage, croyez-moi, faites-le sans éclat. Une fois qu’Alice portera votre nom, nul ne songera à lui demander le nom de son père.
    – Peu importe, madame, comment se fera notre union, pourvu qu’elle se fasse !
    – Me laissez-vous libre d’arranger la chose ? demanda la reine avec un charmant sourire. C’est que, voyez-vous, je voudrais être présente… sans qu’on le sache…
    – Ah ! madame, vous m’enivrez ! s’écria le comte dans l’exaltation de sa double joie de fils et d’amant.
    – Eh bien, je veux choisir l’église, l’heure, le jour… L’église… voyons, vous n’êtes pas assez huguenot pour me refuser cette joie ?… J’y tiens… je suis fervente catholique…
    – Madame, je ferai ce que vous voudrez… peu importe le prêtre…
    – Le prêtre ? Ah ! oui… Eh bien, tenez, je l’ai trouvé… un saint homme… c’est le révérend Panigarola qui vous unira… L’église ?… ce sera Saint-Germain-l’Auxerrois…
    – Le jour ? demanda le comte réellement enivré…
    – Le jour ?… Prenons le lendemain du mariage de ma fille Marguerite…
    – L’heure ?…
    – La meilleure : minuit !
    Le comte se mit à rire comme un enfant heureux. Et de fait, pour la première fois de sa vie, il connaissait le bonheur.
    – Allez, mon ami, acheva la reine. Allez, et puissiez-vous être heureux !
    – Je le suis au-delà de toute expression, dit le comte en couvrant de baisers la main que lui avait tendue la reine.
    – Un dernier mot, reprit celle-ci. Laissez-moi la joie d’annoncer à Alice le jour, l’heure et le lieu de son mariage ; je dois une réparation à cette pauvre enfant que j’ai rudoyée jadis plus qu’il ne convenait…
    – Je vous obéirai, madame.
    – Ainsi, pas un mot de tous ces détails ! Vous me le promettez ?
    – C’est chose jurée, madame…
    Et léger, soulevé par cette force de joie qui transporte les vrais amoureux, le comte s’éloigna, l’âme ravie, pour courir d’abord faire part de son bonheur à la reine de Navarre, et ensuite pour courir demander pardon à Alice.
    A peine fut-il parti que la reine sortit de son oratoire, traversa son cabinet de travail et parvint à une pièce éloignée, sorte de boudoir, comme on dit aujourd’hui.
    Là, une jeune femme attendait dans la demi-obscurité de la pièce où brûlait un seul flambeau.
    Cette femme, c’était Alice de Lux.
    La reine alla à elle, lui prit la main, et la regardant jusqu’au fond de l’âme :
    – Tu as entendu ?
    – Non, Majesté ! dit Alice.
    – Allons donc ! Tu as écouté ?
    – Non ! répéta la jeune femme en frissonnant.
    – Tu m’étonnes, fit la reine. Tu n’es donc plus toi-même !… Eh bien, écoute : il sort de mon oratoire ; il t’aime plus ardemment que jamais, vous devez vous marier bientôt ; ne lui demande ni le jour, ni l’heure, ni le nom du prêtre ; je t’instruirai de ces détails en temps voulu.

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