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L'épopée d'amour

Titel: L'épopée d'amour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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occulte.
    Panigarola marcha machinalement vers un coin du jardin où il y avait un banc de pierre et où il se promenait d’habitude.
    Il s’assit sur le banc et laissa tomber sa tête dans une de ses mains.
    A ce moment, il faisait presque nuit. Panigarola vit tout à coup quelqu’un qui s’asseyait près de lui. Ce quelqu’un, c’était l’abbé du couvent des Carmes, personnage considérable, jouissant d’une haute influence et considéré comme un saint non seulement par la communauté qu’il dirigeait, mais par la majorité des prêtres de Paris.
    – Vous travaillez, mon frère ? demanda l’abbé… Restez assis… Ne vous levez pas.
    – Monseigneur, dit Panigarola en cédant au geste bienveillant de l’abbé, je travaillais en effet… je prépare un sermon…
    – C’est tout ce que je voulais savoir… Continuez, continuez, mon digne frère… moi je vais prévenir les curés et leurs vicaires qu’ils aient à venir vous entendre demain à Saint-Germain-l’Auxerrois… en même temps, j’écris à Rome que les temps sont proches… Laissez-moi vous faire une recommandation, mon frère.
    – Je l’accueillerai avec reconnaissance, monseigneur.
    – Que votre sermon de demain soit clair ! Vous n’aurez pas vos auditeurs mondains ordinaires ; l’église sera remplie de prêtres ; or, vous connaissez le peu d’intelligence de nos curés ; il s’agit donc de leur remontrer nettement leur devoir et de les enflammer de ce même courage dont les Macchabées [12] ont jadis donné l’exemple au monde. En un mot, mon cher fils, permettez-moi de vous donner ce nom, songez que vous leur portez un mot d’ordre.
    – Votre Révérence peut se rassurer, dit Panigarola. Je ferai de mon mieux.
    – Si cela est vrai, dit l’abbé en se levant, de grandes choses s’accompliront. Car le désir d’un noble combat enflamme nos amis et nos prêtres. Mais l’élan a été brisé. Nul n’ose dire ce qu’il pense. Il suffirait d’un seul coup de trompette dans le camp pour que chacun coure aux armes… c’est vous qui allez le donner. Mon fils, recevez ma bénédiction…
    Panigarola se courba sous le geste.
    Quand il se redressa, il vit l’abbé qui s’en allait.
    Alors, il se dirigea vers cette partie du couvent où se trouvaient logés un certain nombre d’employés laïques, et qui était séparée du monastère proprement dit par un mur percé d’une porte. Le moine franchit cette porte, traversa une cour, entra dans un bâtiment isolé et pénétra enfin dans une chambrette où dormait un enfant.
    Panigarola n’alluma pas de flambeau.
    Il se pencha sur le petit lit et, longuement, contempla l’enfant, comme s’il eût vu clair dans la nuit.
    De sombres pensées l’agitèrent sans doute, car une sorte de râle, par moments, soulevait sa poitrine. Enfin, il se laissa tomber à genoux, le visage dans les deux mains, et des larmes brûlantes glissèrent à travers ses doigts.
    Et qui se fût trouvé près de lui, l’eût entendu murmurer dans un sanglot :
    – O mon fils !… Si, du moins, elle t’aimait !… Si tu pouvais me faire reconquérir ta mère !…
    Le petit Jacques-Clément dormait son innocent sommeil ; un souffle régulier s’échappait de ses lèvres sur lesquelles se jouait un sourire.
    Le lendemain soir, le révérend Panigarola prêcha dans Saint-Germain-l’Auxerrois.
    L’archevêque de Paris assista à ce sermon. Les évêques Vigor et Sorbin de Sainte-Foi, prédicateur ordinaire du roi, le chanoine Villemur à la tête du chapitre de son église, les curés, doyens et vicaires de toutes les paroisses, près de trois mille prêtres emplissaient la vaste nef. Les portes étaient fermées. Une vingtaine de laïques furent seuls admis ; de ce nombre étaient le duc de Guise, le maréchal de Tavannes, le chancelier Birague, le duc de Nevers, le maréchal de Damville, le prévôt Charron, Curcé l’orfèvre, le libraire Kervier, le boucher Pezou, le poète Dorat.
    En outre, un certain nombre de capitaines des milices bourgeoises, des centainiers et même quelques simples dizainiers se massèrent à l’intérieur, près des portes, et purent entendre le sermon.
    Le discours du révérend fut entendu dans le plus grand silence.
    Seulement, quand ce fut fini, un frémissement terrible parcourut cette assemblée, surtout parmi les curés.
    Puis, tout ce monde s’écoula.
    Alors une femme qui, cachée dans une des loges, avait tout vu, tout entendu, se leva à son tour

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