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L'épopée d'amour

Titel: L'épopée d'amour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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frémit d’espoir.
    – Oh ! oh ! murmura-t-il du bout des lèvres, les yeux arrondis.
    – Qu’est-ce à dire ? fit Thibaut.
    – Rien, mon frère » rien… il m’avait semblé… à votre air… à votre sourire…
    – Chut ! reprit Thibaut. Fermez la porte, mon frère.
    Lubin se hâta d’obéir avec un empressement étrange et, le cœur battant, revint à Thibaut.
    – Ainsi donc, dit celui-ci, vous êtes pour quinze jours au pain et à l’eau ?
    – Hélas ! gémit Lubin dont la folle espérance s’évanouissait déjà, devant la physionomie sévère de Thibaut.
    – Je crois que vous n’y résisterez pas, continua celui-ci.
    – Il me semble déjà que je meurs…
    D’une petite armoire, Thibaut tira un pain noir et dur avec une bouteille, d’eau trouble, et dit sévèrement :
    – Voilà votre nourriture pour deux jours, mon frère.
    Lubin croisa ses bras sur sa poitrine et, se frappant le thorax à coups de poing, il pleura :
    – Qu’on me dise donc tout de suite que je suis condamné ! Quoi, frère Thibaut ! Est-ce bien vous, vous avec qui j’ai fait de si bons dîners et si souvent vidé bouteille, est-ce bien vous qui me présentez cette nourriture affreuse et ce liquide déshonorant ? Ah ! mon frère, je n’eusse jamais cru à une pareille dureté de cœur chez vous ! Et quand je songe à ces divins pâtés…
    – Paix, mon frère ! s’écria Thibaut dont l’œil redevint luisant.
    – A ces poulets qui tournaient devant la flamme claire et dont l’admirable jus retombait en gouttes délectables…
    – Mon frère, vous m’induisez en tentation !
    – A ces flacons, dont le liquide vermeil tombait dans nos gobelets avec un bruit si harmonieux…
    Thibaut parut prendre une héroïque résolution, loucha un instant vers la porte et saisit la main de Lubin.
    – Eh bien, mon frère, supposez que je lève la serge qui recouvre cette chaudière, et que dans la chaudière, je trouve d’abord…
    En parlant ainsi, Thibaut avait en effet découvert la chaudière aux miracles, et y plongeait les deux mains.
    – Que vous y trouviez quoi ? interrogea Lubin hors de lui.
    – D’abord ce pâté à la croûte dorée, qui vient en droite ligne de la
Devinière
.
    Lubin poussa une exclamation d’extase.
    – Ensuite, continua Thibaut en plaçant au fur et à mesure sur l’autel les victuailles qu’il désignait, ensuite, ce pain tout frais, de ce matin, tendre et croustillant à souhait… ensuite, ce poulet froid, ensuite ces deux bouteilles de vin blanc… ensuite ce jambon à la chair rose… ensuite ces quatre flacons de bourgogne…
    Lubin avait joint les mains. Ses joues tremblaient.
    Thibaut, comme s’il eût officié, allait et venait devant l’autel, grave et pesant ; et quand les six bouteilles eurent été rangées en bon ordre à droite de la chaudière, quand poulet, jambon, pâté, pain tendre eurent été alignés à gauche, il se retourna, les bras ouverts dans les gestes de la bénédiction, les yeux à demi clos, la bouche en cul de poule, la face rayonnante…
    Lubin était tombé à genoux.
    Majestueusement, Thibaut descendit les deux marches de l’autel et continua :
    – Eh bien, mon frère, supposez que je vous dise que ces appétissantes victuailles ne sont en réalité que du pain noir et que ces six flacons ne contiennent que de l’eau, me croirez-vous ?
    – Certes ! s’écria Lubin enthousiasmé.
    – Eh bien, relevez-vous. Mangez et buvez. Ou plutôt, mangeons de ce pain noir, buvons de cette eau vermeille… Je sais que je mens, mais c’est dans l’intérêt de l’Eglise… ne cherchez pas à comprendre, mon frère.
    Lubin qui s’était relevé ne se demandait nullement comment il pouvait être de l’intérêt de l’Eglise qu’il se nourrit de poulet, alors qu’il devait être au pain sec, et qu’il s’abreuvât de bourgogne, alors qu’il devait boire de l’eau.
    Joyeusement, il déversa dans la chaudière la bouteille d’eau trouble qui lui était primitivement destinée, et il fit les apprêts du dîner. C’est-à-dire qu’il disposa deux chaises, siège à siège et y plaça les victuailles, tandis que les flacons prenaient place modestement sur le plancher.
    Les deux moines s’assirent de chaque côté de cette table sommaire et attaquèrent avec la vigueur de vieux combattants qui en ont vu bien « autres.
    – Voilà d’excellent pain noir, disait Thibaut en dévorant une tranche de pâté.
    – Voilà de l’eau qui vous

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