L'épopée d'amour
Damville d’une voix qui tremblait encore de rage. Y pensez-vous ? Ce truand possède des secrets qu’il est utile de lui arracher dans l’intérêt de Sa Majesté notre roi…
– On va donc lui appliquer la question ? reprit Orthès.
Pardaillan frissonna longuement.
– Oui-da ! répondit Damville. Le tourmenteur juré sera prévenu par mes soins, et je veux assister moi-même à la besogne.
– Où faut-il le conduire ?
– Au Temple, dit le maréchal.
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Chapitre 12 LE COUVENT DU MIRACLE
E n l’année 1290, il y eut à Paris un miracle que nous devons rapporter ici pour faire comprendre les lignes qui vont suivre. A cette époque habitait non loin de Notre-Dame parmi tant d’autres mécréants, un juif du nom de Jonathas.
Il faut dire que maître Jonathas possédait une fort belle maison entourée de grands, beaux et vastes jardins. Ajoutons que pour son malheur, il se trouvait le voisin d’un certain couvent qui, justement, convoitait fort lesdits jardins.
Or, ce juif – toujours d’après les affirmations de ses voisins les bons moines – avait juré de commettre contre la religion un épouvantable méfait.
Que fit-il ? Le dimanche de Pâques de l’an 1290, il envoya une femme qu’il avait endoctrinée faire ses pâques à Notre-Dame. La femme reçut l’hostie et, au lieu de l’absorber, la rapporta intacte au juif Jonathas.
Celui-ci, dans sa rage hérétique, commença par percer l’hostie d’un coup de la pointe de sa dague. Or, qu’arriva-t-il ?… L’hostie se mit à saigner ! Oui, sous le coup de dague, du sang vermeil sortit de l’hostie.
La femme, voyant ce miracle, fut saisie d’épouvante et de remords, et elle alla se jeter aux pieds des bons moines, ainsi qu’en témoignèrent tous les pères et frères de cette communauté.
Quant au juif, la vue du sang, loin d’apaiser sa frénésie, ne fit que l’exaspérer.
Il prit un marteau et un clou, comme on avait fait jadis pour crucifier Jésus. Il enfonça le clou dans l’hostie : nouveau miracle, nouvelle effusion de sang rouge !…
Furieux, le juif jeta l’hostie au feu… et l’hostie se mit à voltiger au-dessus des flammes sans brûler.
Devant ces signes évidents de la puissance céleste, Jonathas désespérant d’avoir raison de l’hostie, plaça sur le feu une grande chaudière qu’il remplit d’eau. Lorsque l’eau se mit à bouillir, il y précipita l’hostie ; mais loin de se dissoudre, elle demeura intacte, blanche et pure. Seulement, comme l’hostie avait saigné, toute l’eau de la chaudière se métamorphosa en sang qui bouillait !
On ne sait trop à quels nouveaux sacrilèges se fût porté Jonathas si, juste à ce moment, il n’eût été arrêté. Il ne voulut jamais avouer ses crimes, ce qui mettait vraiment le comble à sa méchanceté. Les moines, indignés, le firent placer tout vif sur un beau tas de fagots auxquels ils mirent le feu.
Lorsque le juif eut été réduit en cendres, les dignes pères purifièrent ses propriétés, en les annexant à leur couvent. Pour achever l’expiation, un bourgeois, nommé Régnier-Flaming, fit bâtir une chapelle qu’on appela
Maison des Miracles
. Ce lieu s’appela : couvent où Dieu fut bouilli.
Nous ignorons si réellement le juif Jonathas plongea l’hostie dans une chaudière, ce qui est absolument sûr, c’est que Jonathas fut rôti vivant et que ses beaux jardins passèrent aux moines.
Depuis l’an 1290 jusqu’à l’année 1572 et plus tard, des miracles furent constatés dans ce lieu. De temps à autre, la chaudière dans laquelle l’hostie avait été bouillie, changeait en sang vermeil l’eau qu’on y versait. Généralement, ces miracles étaient considérés comme un ordre du ciel donné aux Parisiens : ordre d’avoir à brûler vifs un certain nombre d’hérétiques.
Ce fut un de ces miracles qui se produisit le 17 août 1572. C’était un dimanche. Et ce jour était la veille de celui où fut célébré le mariage d’Henri de Béarn avec Marguerite de France. Ce jour-là, vers cinq heures de l’après-midi, comme il y avait beaucoup de peuple dans la rue, la porte s’ouvrit soudainement, et deux moines parurent, gesticulant et criant :
– Miracle ! Noël à Jésus !
L’un de ces deux moines était une de nos vieilles connaissances : frère Thibaut, plus gras, plus majestueux et plus onctueux que jamais ; l’autre était son inséparable : frère Lubin.
Lubin qui, on se le rappelle sans doute,
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