L'épopée d'amour
reste, c’est-à-dire de la triple affaire du Louvre, du cabaret incendié et de la bataille rue Montmartre.
– Ah ! madame, s’écria Marillac radieux, l’explication est des plus simples ! Pardaillan et le maréchal ne demandent qu’à quitter Paris… si vous saviez !… il n’y a sous tout cela qu’une affaire d’amour…
– Eh bien, mon cher comte, trouvez-vous après-demain matin au lever du roi, et vous emmènerez vous-même votre ami. Mais répétez-lui bien que je voudrais le voir.
– Madame, il ne quittera pas le Louvre sans avoir déposé à vos pieds l’hommage de son dévouement, de sa reconnaissance, et…
Marillac allait ajouter, songeant aux soupçons de Pardaillan :
– De ses remords…
Il se retint, de crainte que le mot ne parût avoir trait à cette conspiration dont on parlait, et il acheva :
– Quant à moi, ma vie vous appartient.
Un éclair flamboya dans les yeux de Catherine. Mais Marillac ne vit pas cet éclair, qui l’eût épouvanté, penché qu’il était devant la reine.
– Adieu, comte, dit celle-ci. A demain soir, d’abord… dans Saint-Germain-l’Auxerrois… puis, au Louvre, après-demain matin…
Le comte sortit enivré.
Il se rendit à pied jusqu’au couvent. Comme il y arrivait, un cavalier en sortait, montait à cheval et disparaissait dans la direction du Louvre. Le comte demanda à être introduit auprès de l’abbé, ou tout au moins auprès du prieur. Ce fut le prieur qui le reçut au parloir.
– Monsieur, demanda-t-il – et ce terme fit faire la grimace au révérend prieur – y a-t-il inconvénient à ce que vous me disiez si M. le chevalier de Pardaillan est encore dans votre couvent ?
– Aucun inconvénient : ce jeune homme est encore ici. Il devait être transféré à la Bastille. Mais je viens de recevoir un ordre du Louvre, qui m’enjoint de le garder jusqu’à mardi matin dans la meilleure chambre du couvent : je lui ai cédé la mienne, c’est tout ce que je pouvais faire.
– Et, mardi matin, qu’arrivera-t-il ? demanda Marillac palpitant.
– J’ai ordre de remettre ce jeune homme en liberté, en lui disant simplement que le roi veut lui parler à son lever et qu’une auguste personne compte sur son honneur de gentilhomme pour…
– Il ira ! Je vous en réponds, moi ! s’écria Marillac transporté. Mais, dites-moi, mon digne monsieur, ne pourrais-je voir le chevalier quelques instants ?
Le prieur réfléchit :
– Monsieur, dit-il, je n’y verrais pour ma part aucun obstacle. Mais je n’ai reçu aucun ordre à ce sujet. Mettez-vous à ma place… Vous avez été arrêté tous deux aujourd’hui, vous voici libre. Votre compagnon le sera mardi matin. Il y a dans tout cela quelque chose qui me dépasse, et je me demande si on n’a pas voulu vous séparer… Alors, vous comprenez ?
– Oui, oui, fit Marillac en souriant… Je n’insiste pas. Du moins, vous pouvez dire au chevalier que je serai ici mardi matin pour l’accompagner au Louvre.
– Oh ! quant à cela, chose facile, dit le prieur avec bonhomie. La commission sera faite dans cinq minutes.
Le comte salua et se retira, l’âme ravie…
Et pourtant il sentait peser sur lui une indéfinissable angoisse qui ressemblait vaguement à de la terreur.
– C’est la joie, s’affirma-t-il. Voyons, récapitulons tout mon bonheur. Demain matin, c’est le mariage du roi Henri à Notre-Dame. Bon. Après cela, je suis libre. Je demande un congé jusqu’au moment de l’entrée en campagne. Demain soir, à minuit… ma mère, oui, ma mère elle-même daigne conduire mon Alice à l’autel, et un prêtre m’unit enfin à celle qui est toute ma vie… Un prêtre ! Bah ! je puis bien faire cela pour ma mère !… Et puis, j’ai l’exemple du roi sous les yeux… Bon ! Après-demain matin, je vais prendre Pardaillan, je le conduis au Louvre, j’obtiens pour le maréchal et sa famille une autorisation de franchir les portes… Nous partons tous !… Ah ! ma mère ! qui m’eût dit, il y a quelques mois, que je vous devrais tant de bonheur !
Il faisait nuit noire.
Des groupes silencieux traversaient les rues. Il y avait dans les profondeurs obscures de Paris des rumeurs inaccoutumées…
« Les Parisiens se préparent aux grandes fêtes qui commenceront demain ! songea Marillac. »
Le prieur avait menti en disant que le chevalier se trouvait encore dans son couvent ; depuis plus d’une heure déjà, une escorte de vingt cavaliers
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