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L'épopée d'amour

Titel: L'épopée d'amour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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commandée par Maurevert était arrivée : le chevalier tout ligoté avait été porté dans une voiture fermée. Et la voiture s’était élancée au galop, entourée par les cavaliers.
    Elle s’arrêta devant la prison du Temple.
    Le vaste enclos conservait encore à cette époque le nom qu’il avait reçu jadis au temps où les moines-soldats qu’on appelait des Templiers l’avaient habité. Il se nommait Ville neuve du Temple, comme s’il eût été une ville dans la ville.
    Pourtant, depuis plus de deux siècles, les Templiers avaient été exterminés, et les chevaliers de Malte qui les avaient remplacés s’étaient dispersés depuis longtemps.
    La plupart des bâtiments tombaient en ruine dès cette époque.
    Il ne restait plus guère de solide que la vieille tour où deux cent vingt ans plus tard, Louis XVI devait être enfermé avant d’être conduit à l’échafaud.
    Vers 1802, les murailles de l’enclos achevèrent d’être abattues.
    Et en 1811, ce fut la tour elle-même qui fut démolie : de tout ce sombre passé inscrit sur les pierres noires, il ne resta plus que l’ineffaçable souvenir des drames qui s’étaient joués là.
    Quant à l’emplacement du vieux Temple, on sait qu’un vaste marché s’y est élevé. Ce marché disparaît ou va disparaître, et bientôt des maisons neuves vont s’élever sur l’enclos des Templiers, dont il ne restera plus que le nom jusqu’à ce qu’un conseil municipal quelconque efface ce nom lui-même.
    Ainsi les choses du passé, par successives poussées, entrent dans le néant définitif comme les feuilles de la forêt sont lentement refoulées dans le sol jusqu’à ce qu’elles se désagrègent et deviennent de l’humus.
    En 1572, la tour du Temple servait déjà de prison. Et déjà même, François Ier l’avait employée à cet usage.
    Mais elle avait aussi une autre destination – et ceci est important pour la suite de notre récit.
    Elle servait de coffre-fort ; Catherine y avait déposé son trésor particulier, qu’elle fit ensuite transporter au nouvel hôtel de la reine. Mais le trésor royal de la couronne y demeura. Cet exemple fut, par la suite, suivi par quelques rois qui y établirent des cachettes compliquées. Ainsi les oubliettes qui avaient dévoré de malheureux prisonniers devinrent des cavernes pleines d’or et d’argent.
    Donc, prison et trésorerie, voilà ce qu’était la tour du Temple à l’époque que nous essayons d’évoquer.
    Autour de cette haute bâtisse carrée dont chaque angle se hérissait d’une tourelle terminée par un toit conique, il y avait une atmosphère d’épouvante.
    Quant aux prisonniers qu’on y enfermait, c’étaient en général des prisonniers d’Etat, des gens qui avaient surpris quelque secret, des gentilshommes qui avaient peut-être regardé le roi en face, enfin des êtres dangereux.
    Le Temple avait son gouverneur, sa garnison, commandée par un capitaine, sa chambre de torture, ses cellules convenablement aménagées, ses cachots, ses souterrains, ses oubliettes, enfin tout ce qui constituait une bonne prison comme celles de la Bastille, du Châtelet, de Notre-Dame, du Louvre, etc.
    Le gouverneur s’appelait Marc de Montluc ; c’était le fils de ce Blaise de Montluc qui, en Guyenne, tailla les huguenots avec tant d’ardeur qu’on l’appela le Boucher royaliste, et qui a laissé des
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où il se vante lui-même avec une terrible naïveté des horreurs qu’il accomplit.
    Quant à Marc de Montluc, digne fils d’un tel père, il avait la tournure et l’âme d’un geôlier. C’était un homme de trente-cinq ans, cheveux roux en broussaille, encolure de taureau, visage flétri par les vices, regard sanglant – une belle brute qui ne s’apaisait que devant un flacon de vin ou devant une fille.
    D’ailleurs, il faut être juste : il ne recherchait pas les vins rares, et pourvu que son gobelet fut plein dès qu’il l’avait vidé, il s’inquiétait peu de la qualité du contenu ; quant aux filles, il ne leur demandait ni la grâce ni la beauté, l’impudeur excessive était la vertu qu’il recherchait en elles. Il les prenait n’importe où, et la plupart des ribaudes de la cour des Miracles avaient défilé dans sa chambre où l’orgie avait élu domicile.
    Le vieux Blaise de Montluc avait servi sous le connétable de Montmorency, d’abord, puis sous le maréchal de Damville. Et c’était à Damville qu’il avait recommandé son fils. Le

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