L'épopée des Gaulois
d’originalité, mais semblent reproduire fidèlement, en s’efforçant de les ordonner, les faits les plus marquants du passé. Nécessairement, il est toujours question des Gaulois. Ainsi en est-il d’un certain Aulu-Gelle, érudit latin né en Afrique vers 130, et qui fut élève de Frontin à Rome. Il se retira à Athènes et y composa Les Nuits attiques , série de dialogues où sont discutées les questions les plus diverses, y compris celles concernant l’Histoire. On y découvre ainsi de précieux renseignements sur les peuples intégrés dans l’Empire romain. Il en est de même pour le rhéteur et historien grec Polyen, né en Macédoine, qui fréquenta les descendants des fameux Galates d’Asie Mineure et qui vint s’établir à Rome. C’est là qu’il écrivit une étrange compilation dédiée à l’empereur Marc Aurèle, les Stratagemata (Ruses de guerre) qui comportent bien des détails intéressants, notamment au sujet des expéditions gauloises à travers les Balkans et la Grèce. Cependant, comme c’est une époque de savoir encyclopédique, on ne s’étonnera pas de voir apparaître, sous la plume d’un certain Festus, grammairien latin de la fin du II e siècle, un dictionnaire très précieux pour la connaissance des traditions populaires et des mythologies, tant « barbares » que grecque et romaine. En fait, Festus ne faisait que reprendre, en l’adaptant et en le complétant parfois, un ouvrage perdu, le De significatu verborum (Sur la signification des mots) d’un autre encyclopédiste latin, Valerius Flaccus. Mais l’essentiel est que cette compilation, parfois laborieuse, nous soit parvenue.
C’est à part qu’il faut classer Pausanias, historien et géographe grec de la fin du II e siècle. Il était originaire d’Asie Mineure et passa une partie de sa jeunesse à voyager à travers l’Empire romain. Plus tard, sous le règne de Marc Aurèle, il écrivit une Description de la Grèce en dix livres qui nous sont parvenus intégralement. L’ouvrage est assez fascinant dans la mesure où Pausanias déborde toujours du cadre de sa description en ajoutant des commentaires et des parallèles avec d’autres pays ou d’autres situations. La base de son œuvre repose sur des observations personnelles et des témoignages recueillis sur place. Il peut ainsi décrire les lieux avec précision, en particulier les monuments et les œuvres d’art, et il rapporte – trop souvent sans les vérifier – les traditions locales dont il a eu connaissance. Et surtout, Pausanias ne se fait pas faute, pour justifier sa démarche, de citer de nombreuses informations dues à des historiens et à des poètes du temps passé. Il en cite même trop : toute sa description des Gaulois tentant de s’emparer du trésor de Delphes est un démarquage pur et simple d’un passage d’Hérodote à propos d’une même tentative faite, deux siècles auparavant, par les Perses. La fiabilité de Pausanias peut être sérieusement mise en doute, mais son œuvre demeure très utile lorsqu’on veut comprendre le rôle de l’imaginaire dans la constitution des épopées. Il serait sans doute opportun de confronter les récits de Pausanias, par ailleurs composés avec un art littéraire consommé, aux fades dissertations de certains encyclopédistes de cette époque. De toute façon, même si Pausanias peut être souvent considéré comme un affabulateur quelque peu malhonnête, il n’en reste pas moins que sa Description de la Grèce est essentielle pour la compréhension des migrations gauloises du III e siècle avant notre ère et de la fondation de l’étrange royaume des Galates en Asie Mineure.
En cette même période, on peut également citer un personnage assez extraordinaire, ancêtre de Rabelais et de Voltaire, le rhéteur et philosophe grec Lucien de Samosate. C’est un sceptique, et même un athée complet. Mais pour mieux détruire des légendes qui, selon lui, ne servent à rien sinon à encombrer l’esprit des gens naïfs, il fait état de ces légendes, aussi bien dans des ouvrages de fiction comme l’ Histoire vraie , parodie satirique – et féroce – de l’ Odyssée et des Argonautiques 6 , que dans des traités dits sérieux comme celui qu’il écrivit sur Héraklès . C’est précisément dans ce traité qu’il fait intervenir un Gaulois qui explique à un Grec la signification exacte des représentations du dieu de l’éloquence, celui que les Grecs appellent
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