Les 4 vies de Steve Jobs

l’exception de 1 dollar symbolique par an. Toutefois, en janvier 2000, après qu’il a annoncé qu’il acceptait le titre de président, le Conseil d’administration l’a récompensé en lui offrant un jet privé Gulfstream V d’une valeur de 88 millions de dollars 142 et 20 millions de titres Apple – environ 6 % des parts de la société.
    Or, en 2001, lorsque le moment est venu pour Jobsde toucher ces actions, la bulle Internet avait explosé et le cours d’Apple s’était divisé par deux. Jobs est donc retourné voir le Conseil d’administration. En août 2001, 7,1 millions de titres lui ont été accordés. Toutefois, du fait de complications comptables, la négociation s’est prolongée jusqu’en décembre 2001, date à laquelle le cours d’Apple était remonté 143 . Le conseiller légal d’Apple, Nancy Heiner, a donc antidaté ces titres d’un mois, faisant gagner – sur le papier – quelque 20 millions de dollars à Jobs. Concernant cette transaction, Jobs reconnaît avoir durement négocié, estimant qu’il n’obtenait pas la reconnaissance méritée :
    Jobs : Chacun aime être reconnu par ses pairs, et en ce qui me concerne, il s’agit des membres du Conseil d’administration. J’ai passé beaucoup de temps à prendre soin des gens d’Apple, à leur donner envie de poursuivre une carrière chez nous. J’avais l’impression que le conseil n’agissait pas ainsi à mon égard.
    SEC : OK.
    Jobs : Et donc, j’en souffrais. Le conseil m’avait donné quelques titres mais ils avaient plongé, du fait de l’explosion de la bulle Internet. J’avais donné quatre ou cinq ans de ma vie à Apple, au détriment de ma famille, et j’avais l’impression que personne ne prenait vraiment soin de moi. J’ai donc voulu qu’ils fassent quelque chose et nous en avons parlé. Je faisais vraiment un très bon travail. J’aurais préféré qu’ils viennent me voir d’eux-mêmes pour dire « Steve, nous avons pensé à une nouvelle subvention pour toi », sans que j’aie à leur suggérer ou à négocier quoi que ce soit. S’ils avaient agi ainsi, je me serais senti mieux.
     
    Il va ressortir de l’enquête que Jobsn’a pas gagné quoi que ce soit dans l’affaire. En mars 2003, il a échangé ces fameux titres contre 10 millions d’actions à « rendement restreint ». Au moment où se situe l’enquête de la SEC, il se révèle alors qu’il a fortement perdu au change.
    Au sortir de l’enquête de la SEC, seuls deux fautifs se voient réprimandés : Nancy Heinen, la conseillère légale qui a procédé à l’antidatage, et FredAnderson, l’ancien directeur financier d’Apple. La première va devoir verser 2,2 millions de dollars d’amende à la SEC tandis que le second devra débourser 3,6 millions de dollars. Steve Jobssort indemne de l’affaire.
    « S’il était conscient de la sélection de certaines dates, ou s’il l’a recommandé, indique le rapport de la commission, il n’était pas conscient des implications comptables. » L’entreprise Apple se voit même félicitée pour « sa coopération rapide, étendue, extraordinaire » et « la mise en place de nouveaux systèmes destinés à empêcher que cette conduite frauduleuse se reproduise ».
    L’honneur est sauf pour Jobs.
    De toute façon, il en est ainsi.
    Icône vivante, il semble planer au-dessus des terrestres vicissitudes.

Chapitre 16
    Apothéose
    S teve Jobsétait né pour la gloire. Lorsqu’il apparaît sur une scène, lorsqu’il est sur la couverture d’un magazine, on peut respirer la joie qui fuse à travers son âme. Comme s’il savourait chaque seconde de ces moments rares.
    La gestation d’un iPhone, d’un Mac OS X , d’un iPad s’apparente à une virée au long cours, un slalom au milieu de la tempête, un plongeon en jungle hostile et inexplorée. Ce n’est qu’au terme d’une vaillante épopée que le survivant goûte à la félicité.
    Pour Jobs, ces moments où il va à la rencontre de la foule sont en tous points privilégiés. Deux jours avant une allocution, il répète inlassablement son discours, sélectionnant les points clés, testant ses bons mots devant un public restreint d’ingénieurs et de cadres. Le jour J, il se livre à deux répétitions générales, comme pour la première d’une pièce de théâtre. Il est vrai que sa prestation est appelée à faire le tour du monde, offerte à la curiosité de chacun au présent comme au futur, par