Les années folles
chêne
qui conduisait à l’étage des chambres. Venez me voir dans mon bureau.
Puis,
sans se préoccuper de savoir si son vicaire l’avait ou non entendu, le prêtre
se dirigea vers son bureau situé l’avant. Il claqua bruyamment la porte de la
pièce pour bien montrer son agacement.
Quelques
minutes plus tard, on frappa discrètement à a porte du bureau du curé.
– Entrez !
tonna la voix d’Antoine Lussier qui marchait de long en large dans son bureau.
Il
fusilla du regard le petit prêtre délicat à la chevelure blonde sagement
coiffée qui venait de pousser la porte de a pièce.
– Vous voulez
me voir, monsieur le curé ?
– Bien oui, l’abbé.
Je voulais vous voir il y a dix minutes. Ça vous prend bien du temps pour vous
virer de bord, vous !
– J’ai fait
le plus vite possible, monsieur le curé, l’excusa Alexandre Martel, en bredouillant.
– Bon !
Ça va ! Assoyez-vous. J’ai deux mots à vous lire, fit le curé en se laissant
tomber dans le fauteuil en cuir noir placé derrière son bureau, après avoir poussé
un soupir d’exaspération.
Il
y eut un bref silence qui parut très long à l’abbé Martel.
– Vous
êtes bien allé voir madame Fournier hier soir, après le souper, comme je vous l’avais
demandé ?
– Oui,
monsieur le curé.
– Est-ce qu’elle
va mieux ?
– J’ai pas eu
cette impression-là. Quand je suis arrivé, le vieux docteur Courchesne partait.
Si j’ai bien compris, sa fille avait envoyé son frère le chercher à Pierreville.
– C’est
sûr qu’ils ont pas fait venir le docteur pour rien, laissa tomber Antoine Lussier
en replaçant machinalement quelques papiers au centre de son bureau. Je pense
que la pauvre femme en a plus pour longtemps.
Antoine
Lussier était le fils d’un cultivateur de Saint-Grégoire. Septième d’une famille
de douze enfants, il avait appris très tôt que l’argent était rare et qu’on ne
faisait venir le médecin qu’à la dernière extrémité, quand tous les autres
moyens de se guérir n’avaient pas fonctionné.
Le
prêtre leva la tête et s’aperçut que son vicaire fixait d’un air absent un
point situé au-dessus de sa tête. Il semblait peu perdu dans ses pensées.
– Aie,
l’abbé ! Je vous parle. Sortez de la lune !
– Oui, oui, monsieur
le curé, bafouilla l’autre en semblant reprendre difficilement pied dans la
réalité.
– Savez-vous
à qui je viens d’avoir affaire ?
– N… non.
– Au vieux
Rosaire Léveillé. Et vous devinerez jamais pourquoi.
– Non, je
vois pas. Pourquoi ?
– Bien, il me
ramenait notre cheval, tonna Antoine Lussier en frappant son bureau du plat de
la main. Notre cheval était en train de brouter dans son jardin après avoir
ravagé le rond de fleurs de sa femme… Vous imaginez comment ils ont aimé ça
tous les deux !
– Comment ça
se fait que notre bête était rendue là ? fit le jeune prêtre, surpris.
– Ah ! Mais
à ça, il y a juste une explication, répliqua le curé Lussier, sarcastique. J’ai
dans l’idée qu’un certain vicaire a oublié d’attacher son cheval dans l’écurie
hier soir après l’avoir dételé et, qu’en plus, il a mal refermé la porte de l’écurie.
Qu’est-ce que vous en pensez, l’abbé ?
– Il me
semblait bien que…
– Laissez
faire ce qu’il vous semblait bien, se moqua son supérieur. Encore une fois, vous
avez pas fait attention à ce que vous faisiez… Maintenant, il va falloir donner
de nos légumes aux Léveillé.
– Après le
dîner, vous irez remplir un grand panier avec des tomates, des petites fèves et
des oignons de notre jardin et vous irez le porter chez les Léveillé. En même
temps, vous en profiterez, je suppose, pour vous excuser le votre étourderie. J’espère
juste que cette affaire-là fera pas le tour de la paroisse. Les paroissiens
vont finir par croire que vous avez pas toute votre tête, l’abbé. Il y a déjà
bien assez qu’ils parlent encore de ce qui vous est arrivé au mois de juillet
dernier…
Le
jeune prêtre de trente et un ans rougit violemment a l’évocation de la mésaventure
qui lui était arrivée cinq semaines auparavant.
Ce
jeudi-là, il avait fait une chaleur humide épouvantable. C’était comme si le
soleil avait décidé d’assécher toute l’eau qui était tombée sans discontinuer
la semaine précédente.
À
la fin de l’après-midi, l’abbé Martel revenait de visiter une malade dans le
rang
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