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Les autels de la peur

Les autels de la peur

Titel: Les autels de la peur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
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dit vrai : où irait-on si l’on commençait de toucher à la représentation nationale ? Robespierre m’en a parlé, hier soir. Il se prononçait contre tous les agitateurs, il pense qu’ils sont payés par les ennemis. Billaud-Varenne, paraît-il, a lancé une accusation contre certains Cordeliers.
    — Oui, dit Fabre toujours bavard et prêt à faire valoir ses dons de conteur. Oui, mardi, à la tribune de la Société. Ç’a été un beau tapage. Varlet était venu demander secours pour Fournier. Le Comité de sûreté générale l’a déféré au tribunal révolutionnaire, comme Marat, du reste ; mais l’Américain, lui, en attendant que le tribunal fonctionne, est en prison. Varlet réclamait à cor et à cri sa délivrance. « Les frères qui m’entendent ne sont plus jacobins s’ils ne me suivent », braillait-il. Comme on ne bougeait pas, il s’est mis à nous accuser de je ne sais trop quoi, à propos de Dumouriez. Ah ! mon ami, si tu avais vu ça ! Une bombe. Tout le monde criait. Il n’y avait que ta Sainte-Nitouche de Saint-Just à considérer ces vaines agitations du haut de sa cravate. Robespierre piaillait : « On veut perdre les Jacobins ! C’est un complot. N’en écoutons pas davantage. » Billaud-Varenne, qui a remplacé Collot à la présidence, s’était couvert. Il va lever la séance, pensait-on. Mais Billaud réclame la parole et commence par nous dire – on le savait ! – qu’il n’aime pas Dumouriez, mais que la République lui doit ses victoires, et quand il a les ennemis sur le dos, ce n’est pas l’heure de lui chanter pouilles. Après quoi, il lâche à bout portant cette bordée : « En revanche, nous pourrions demander à Varlet ce qui s’agite au café Corraza où il se réunit, après les séances des Cordeliers, avec un certain nombre de membres connus comme agitateurs habituels des sections, et fort mal vus par nos excellents frères. Varlet ne nous répondrait pas, ou du moins pas la vérité. Je vais vous la dire : il se trame un dessein tendant à désorganiser la Convention par des attentats. Je déclare très suspects Lazouski, Fournier, Verrières, Desfieux, Varlet, Alfieri, Gusman. Je propose un scrutin épuratoire pour purger notre Société des hypocrites qui cherchent secrètement à la compromettre. »
    Desfieux avait, quelques jours plus tôt, soutenu une proposition émise par la société jacobine de Marseille pour exclure de la Convention les appelants. Robespierre s’y était vigoureusement opposé par crainte qu’une telle opération n’entraînât le renouvellement total de l’Assemblée. La Montagne pourrait être battue aux élections. Non, ni lui ni Marat ni Billaud ne voulaient chasser de la Convention les Brissotins, il fallait simplement leur enlever les ministères et les déloger des comités. Le pays, menacé de l’extérieur, était assez secoué intérieurement par de redoutables convulsions, pour que l’on se gardât d’y ajouter.
    « Billaud, dit Claude, a eu raison de dénoncer les Enragés, toutefois les accusateurs de Dumouriez n’ont pas tort. Je suis quasiment assuré que s’il remporte une victoire il marchera sur Paris pour rétablir la monarchie constitutionnelle. Danton n’en veut rien croire, ou bien cette éventualité ne lui déplaît point. Tu peux lui répéter ces mots de ma part. Je m’attends au pire, j’en ai prévenu Robespierre. »
    De tels propos se tenaient presque ouvertement à l’état-major de Louvain. Le général, sans les confirmer, ne les démentait pas, et toute sa conduite, ses perpétuelles invectives contre les Jacobins, ses flatteries envers ses lieutenants, envers ses soldats, montraient clairement ses intentions contre ceux qu’il appelait les proconsuls de la Belgique, les tyrans de Paris. Bernard avait écrit à Claude : « Il essaie la sédition en paroles avant de la tenter en action. Cependant les commissaires hésitent encore à y croire. » Retirés à Lille où ils s’employaient à renforcer l’armée, le protestant Camus, Merlin de Douai, le briviste Treilhard, Gossuin, hésitaient en effet, comme tous les patriotes, parce que nul ne voyait par qui remplacer le général en chef, et parce que son rappel risquait de provoquer une révolte parmi les vieilles troupes. Enfin, c’était le vainqueur de Valmy, de Jemmapes. Il gardait ce prestige.

XIII
    Ce pire auquel on s’efforçait de ne pas croire se produisit avec éclat le vendredi. C’était

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