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Les autels de la peur

Les autels de la peur

Titel: Les autels de la peur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
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d’arrêter tout perturbateur. Enfin Santerre déclara rudement à ses frères cordeliers que les autorités légales n’entendaient en aucune façon se laisser mettre la bride par une poignée d’hommes ineptes qui croyaient pouvoir gouverner et désorganiseraient tout. « Le tyran n’existant plus, ajouta-t-il, une insurrection se dirige présentement contre le peuple, seul souverain. S’il y a de mauvais députés, il faut les souffrir comme on a souffert Maury et Cazalès. S’il n’existait pas d’opposants, il n’existerait pas de République. » Il dit aussi que Paris n’était pas la France. On devait respecter les représentants des départements.
    Là-dessus Pache et lui s’en furent porter leur soutien à la Convention. Beurnonville avait réussi à sortir en escaladant le mur de son jardin. À la tête de quelques postes hâtivement rassemblés, puis du bataillon de Brest, il avait déjà dégagé le Manège où l’on acheva sans encombre de mettre au point le décret instituant le tribunal révolutionnaire. Il se composerait d’un jury, d’un président et quatre juges, d’un accusateur public avec deux adjoints. Provisoirement, les jurés seraient choisis dans le département de Paris et les quatre départements limitrophes. Ces jurés devraient opiner à haute voix. Les accusés pourraient se faire assister par des défenseurs. Claude estima que l’on réunissait de la sorte un maximum de garanties. Cela n’empêcha pas Vergniaud de déclarer sombrement que la Révolution devenait monstrueuse. « Comme Saturne, elle dévorera ses enfants. » Danton, reprenant la motion de Cambacérès, insista sur la nécessité de renforcer l’exécutif. C’était une erreur de refuser des portefeuilles aux députés, assura-t-il. Pourquoi ne pas revenir sur ce principe et ne pas confier les ministères à des membres de la Convention ? Cette fois Danton échoua. Sa proposition provoqua un tollé de la droite, à gauche pas une voix ne le soutint.
    Sous la pluie, sans doute, Claude avait pris froid. En tout cas, le lendemain une forte fièvre le retint au lit. Les jours suivants il ne sortit point. Les visites, dès qu’il put en recevoir, ne lui manquèrent pas. Ses amis le tinrent au courant des événements. L’effervescence du samedi et du dimanche n’avait pas eu de conséquence. Fabre lui rapporta une scène singulière qui s’était produite, le lundi, au Manège. La section Poissonnière, en présentant des volontaires pour la Belgique, avait eu le front de réclamer la mise en accusation de Dumouriez. Un homme sur lequel reposait en ce moment le seul espoir de la France. « Tu te figures quels cris ont accueilli cette pétition, lue par le président de la section lui-même, mon ami. On n’entendait que cela, de toutes parts : C’est un aristocrate payé par les Anglais ! Là-dessus ne s’aperçoit-on pas soudain que le drapeau de la section portait une cravate blanche et, en guise de pique, une fleur de lis. À n’y point croire, hein !
    — Bah ! sans doute un ancien drapeau d’il y a deux ans. Cela ne signifie rien.
    — Sans doute. Mais tu vois l’effet. Au milieu de cris furieux, on arrache la fleur de lis, on déchire la cravate, on la remplace par un ruban tricolore qu’une femme lance des tribunes. Le bouillant Isnard, avé son assent à l’ail, foudroie ledit président et demande qu’on retourne contre lui son acte d’accusation. Cent voix appuient. Et, parmi elles, entends celle de Marat. » Avec son talent d’acteur, Fabre imitait à merveille les accents glapissants de l’Ami du peuple : « Cette pétition est un complot. Lisez-la tout entière, vous verrez qu’on y réclame la tête de Vergniaud, Guadet, Gensonné, bien d’autres. Sentez-vous quel triomphe serait pour nos ennemis un tel massacre ? Décimer la représentation nationale ! Ce serait le désastre de la Convention. » Reprenant son ton naturel, Fabre poursuivit : « Tu ne sais pas le plus beau, mon ami. Le plus beau, c’est que Marat, applaudi sur ces mots comme il ne l’a jamais été, ne s’arrête pas en si vertueux chemin, dénonce carrément Fournier comme le principal auteur de l’affaire de dimanche et exige son arrestation.
    — Cela ne me surprend pas du tout. Marat est un politique, l’Américain un agitateur. L’agitation seule l’intéresse. Les brissotins, buzotins et autres girondistes ont leurs vices, bien dangereux pour la république, certes, mais Marat

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