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Les Aventures de Nigel

Les Aventures de Nigel

Titel: Les Aventures de Nigel Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Walter Scott
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suis pas assez fou pour cela ; mais je choisirai mon temps, et tous les comtes du Cumberland ne me couperont pas l’herbe sous le pied ; c’est sur quoi vous pouvez compter.
    Frank ne répliqua rien ; et, reprenant leur occupation ordinaire, les deux jeunes gens se mirent à solliciter l’attention des passans.

CHAPITRE III.
    BOBADIL.
    – « J’espère que vous n’avez indiqué ma demeure à aucune de vos connaissances ?
    MAÎTRE MATHIEU.
    – Qui ? moi, monsieur ! juste ciel ! »
    BEN JOHNSON. Chacun son caractère .
     
    La matinée du lendemain trouva Nigel Olifaunt, le jeune lord de Glenvarloch, assis triste et solitaire dans le petit appartement qu’il occupait chez John Christie, revendeur pour la marine ; appartement que cet honnête marchand, peut-être par reconnaissance pour la profession dont il tirait ses principaux moyens d’existence, avait fait arranger de manière à ce qu’il ressemblât, autant que possible, à la chambre d’un capitaine dans son navire.
    Cette maison était située près du quai de Saint-Paul, au bout d’une de ces allées étroites et tortueuses qui, jusqu’à ce que cette partie de la Cité eût été consumée par le grand incendie de 1666, formaient un labyrinthe extraordinaire d’issues petites, ténébreuses, humides et malsaines, dans quelque coin desquelles la peste, dans ce temps-là, se trouvait cachée à peu près aussi fréquemment qu’elle se trouve de nos jours dans les quartiers obscurs de Constantinople. Mais la maison de John Christie donnait sur la Tamise, et avait par conséquent l’avantage du bon air, quoiqu’elle fût imprégnée du fumet des denrées de toute espèce que contenait sa boutique, comme lard, beurre, savon, chandelles, fromage, tabac, etc., du parfum, de la poix, du goudron, et en outre d’une odeur de bourbe et de marécage chaque fois que la marée se retirait.
    À cela près que son imagination ne flottait pas quand le flux arrivait, et n’échouait pas lors du reflux, le jeune lord se trouvait presque aussi bien logé qu’il l’avait été à bord du petit bâtiment de commerce sur lequel il était venu à Londres de la longue ville de Kircaldy dans le comté de Fife. Son hôte avait d’ailleurs pour lui toutes les attentions imaginables, car Richie Moniplies n’avait pas jugé nécessaire de conserver assez strictement l’incognito de son maître pour que l’honnête revendeur ne pût soupçonner que son locataire était d’une condition supérieure à ce qu’il paraissait être. Quant à dame Nelly son épouse, femme toute ronde, enjouée, aimant à rire, ayant des yeux noirs, un corset bien serré, un tablier vert et un jupon rouge, judicieusement raccourci de manière à faire voir une jambe fine et un petit pied placé dans un soulier bien ciré, elle prenait un intérêt tout naturel à un jeune homme bien fait, de bonne humeur, facile à contenter, et dont les manières prouvaient évidemment qu’il était d’un rang bien supérieur à celui des capitaines ses locataires habituels. En effet, lors du départ de ceux-ci elle trouvait ses planchers, si bien lavés, souillés de taches de tabac, herbe qui commençait alors à être en usage en dépit de tous les efforts du roi Jacques, et ses plus beaux rideaux parfumés de genièvre et d’autres liqueurs fortes ; grand motif d’indignation pour dame Nelly, qui disait avec vérité que l’odeur de la boutique et du magasin suffisait bien sans cette addition.
    Toutes les habitudes de M. Olifaunt, au contraire, étaient basées sur la régularité et sur la propreté ; et ses manières, quoique franches et simples, annonçaient tellement le courtisan et l’homme bien né, qu’elles formaient un contraste très-prononcé avec les cris bruyans, les plaisanteries grossières et la brusque impatience des locataires ordinaires de dame Nelly. Elle voyait aussi que son hôte était mélancolique, quoiqu’il fît tous ses efforts pour paraître content et enjoué. En un mot, sans en connaître elle-même toute l’étendue, elle prit à lui cette sorte d’intérêt qu’un galant peu scrupuleux aurait pu être tenté de chercher à augmenter au préjudice de l’honnête John, qui avait au moins une vingtaine d’années de plus que sa compagne. Mais Olifaunt avait à penser à bien autre chose ; et d’ailleurs si cette idée se fût présentée à son esprit, il l’aurait repoussée comme un acte d’ingratitude, et comme une abominable violation

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