Les Casseurs de codes de la Seconde Guerre mondiale
titanesques pour lever des fonds, le Bletchley Park Trust a péniblement commencé les travaux de transformation pour en faire un lieu capable d’accueillir du public et de lui apprendre des choses. Dans les années qui ont suivi, Bletchley Park s’est offert une nouvelle vie plutôt merveilleuse en devenant un musée. Les expositions, avec des baraquements reconstruits et l’Enigma, la Colossus et les bombes cryptographiques, sont proprement fascinantes, surtout pour les jeunes visiteurs. Pour les enfants, qui possèdent un ordinateur à l’école ou à la maison, la vue de ces ancêtres du PC, avec leurs tambours et commutateurs, câbles et valves, excitent considérablement l’imagination.
Ce musée extrêmement prisé, avec environ 200 000 visiteurs par an, est une splendide réussite. Même si, comme je l’ai dit, certains baraquements tombent encore en ruine, recouverts de bâches bleues claquant au vent, l’endroit a enfin bénéficié d’un financement pour sa restauration grâce aux fonds de la loterie nationale.
Visiter Bletchley Park aujourd’hui, c’est vivre une expérience dans un endroit qui ressemble assez à ce qu’il était pendant la guerre. Des reconstitutions de l’époque de la guerre figurent dans certains baraquements, avec les mêmes bureaux et émetteurs radio. Le visiteur a ainsi une petite idée des conditions de travail du personnel.
Mais la restauration du Park a un objectif qui va au-delà de cela. Depuis vingt ans, parmi les 8 000 personnes ayant séjourné ici pendant la guerre, ceux qui ont besoin de s’identifier aux lieux ou de les revisiter ont le bonheur de pouvoir le faire. À chaque anniversaire, Ruth Bourne remarque avec tendresse qu’il « en surgit de nulle part ».
Dans la mesure où il n’existait aucun registre officiel du personnel (si Bletchley était d’un secret absolu, le fait d’y travailler l’était également), il était impossible pour le Bletchley Park Trust de localiser tous les anciens. C’était très souvent une question de bouche à oreille ou alors des anciens qui voyaient dans le journal un article lié à Bletchley Park.
L’historienne en architecture Jane Fawcett, dont le premier retour au Park date de l’automne 2009, soit quelque soixante-quatre ans après son départ, se souvenait d’un endroit plus miteux qu’il ne l’est aujourd’hui. Oliver et Sheila Lawn, qui avaient tellement aimé la campagne alentour, effectuèrent une expédition en voiture sur les chemins qu’ils empruntaient autrefois à vélo, se retrouvant piégés dans la multitude de ronds-points de Milton Keynes. Tout change. Mais le Park, qui donne l’occasion de rencontrer des gens dont on n’a pas été autorisé à reconnaître l’existence pendant tant d’années, est une source de satisfaction profonde.
Tous les autres ayant participé à la guerre avaient leurs réunions, des gars de la RAF aux membres de la Land Army 63 . Des liens s’étaient formés, des amitiés étaient nées, entretenus après 1945 lors de commémorations et autres manifestations. Mais les hommes et les femmes de Bletchley Park en étaient privés, restant avec leurs souvenirs silencieux, au lieu de les partager lors d’un dîner dansant annuel ou même de simples retrouvailles autour de quelques pintes au pub du coin. Si, pour toutes les personnes de leur génération, la guerre représentait la plus fondamentale des expériences déterminantes de leur vie, pour les anciens de Bletchley, il s’agissait d’un trou noir qu’il fallait conserver en l’état.
Et certains souvenirs ont dû quelque peu s’estomper à mesure que passaient les décennies 1950, 1960 et 1970. Après tout, comment les souvenirs peuvent-ils demeurer intacts si vous ne pouvez parler à personne de ce que vous avez vécu ? Heureusement, l’intensité et le caractère unique de la vie passée au Park y ont énormément contribué, permettant aux événements de rester parfaitement ancrés en mémoire. Et, élément intéressant, les Lawn, tout comme les Batey, affirment que ce fut un tout petit peu plus facile par le fait d’être en couple, même s’ils n’ont pas parlé du Park une fois la guerre terminée. Ils avaient néanmoins partagé une expérience et une certaine complicité s’était instaurée à ce sujet.
On demande aujourd’hui très souvent aux anciens : « Mais pourquoi ? Pourquoi avoir dû garder le silence pendant si longtemps ? » Lorsqu’un casseur de
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