Les chasseurs de mammouths
face.
Dans le quatrième foyer, le plus grand, l’une des couches était
isolée du passage par de lourds pans de cuir, ce qui n’empêchait pas d’entendre
des mouvements, des voix. Ayla prit alors conscience que la plupart des autres
places de couchage étaient munies de tentures semblables, accrochées aux
chevrons en os de mammouth ou à des poteaux dressés verticalement. Toutes n’étaient
pas fermées. Le lit de Mamut, en face du leur, était à découvert. Le chaman
était couché, mais Ayla savait qu’il ne dormait pas.
Jondalar alluma une petite branche à une braise du foyer, l’apporta
jusqu’à la paroi à laquelle s’adossait leur couchette. Là, dans une niche, une
grosse pierre creusée en son milieu d’une dépression circulaire était à demi
remplie de graisse. Il approcha la flamme d’une mèche faite de duvet de
massette, éclairant ainsi une statuette de la Mère, derrière la lampe de pierre.
Il dénoua ensuite les lanières qui retenaient les tentures de cuir autour de
leur lit. Lorsqu’ils retombèrent, il fit signe à Ayla.
Elle se glissa à l’intérieur, se hissa sur la plate-forme
recouverte d’un amoncellement de douces fourrures. Ainsi installée, enfermée
par les rideaux, éclairée par la faible lumière vacillante, elle se sentait en
sécurité. C’était là un endroit aux dimensions restreintes qui n’appartenait qu’à
eux. Il lui rappelait la petite grotte qu’elle avait découverte étant enfant et
où elle se réfugiait quand elle avait envie d’être seule.
— Ils sont très ingénieux, Jondalar. Jamais je n’aurais
pensé à ça.
Enchanté de la voir heureuse, il s’étendit près d’elle.
— Tu aimes ces rideaux tirés ?
— Oh oui. On a l’impression d’être seul, même si l’on sait
qu’il y a du monde tout autour. Oui, j’aime beaucoup ça, insista-t-elle, avec
un sourire radieux.
Il l’attira vers lui, la gratifia d’un baiser léger.
— Tu es si belle quand tu souris, Ayla.
Elle contemplait son visage plein d’amour, ses yeux
irrésistibles dont le bleu éclatant virait au violet à la lueur du feu, ses
longs cheveux blonds épars sur les fourrures, son menton bien dessiné et son
front haut, si différents de la mâchoire et du front fuyant des hommes du Clan.
Elle effleura d’un doigt les poils raides.
— Pourquoi te coupes-tu la barbe ? demanda-t-elle.
— Je n’en sais rien. Sans doute par habitude. En été, c’est
plus frais, et cela évite les démangeaisons. En hiver, généralement, je la
laisse pousser, pour me tenir chaud au visage quand je suis dehors. Tu n’aimes
pas que je sois rasé ?
Elle fronça les sourcils d’un air perplexe.
— Ce n’est pas à moi de le dire. La barbe appartient à l’homme.
Il peut la raser ou non, comme il lui plaît. Je t’ai posé la question parce
que, avant de te rencontrer, je n’avais encore jamais vu d’homme qui se rasait.
Pourquoi me demandes-tu si ça me plait ou non ?
— Parce que je tiens à te plaire. Si tu préférais que je
porte la barbe, je la laisserais pousser.
— Ça ne me fait rien, ta barbe est sans importance. Ce qui
est important, c’est toi. Tu m’apportes plaisan... Non...
Elle secoua la tête avec agacement.
— Tu m’apportes plais.... Plaisirs... Tu me plais,
corrigea-t-elle.
Il souriait de ses efforts, du double sens involontaire contenu
dans ses paroles.
— J’aimerais te donner tous les Plaisirs.
Il l’attira contre lui pour l’embrasser. Elle se tourna sur le
côté, se blottit contre lui. Il se mit sur son séant pour la regarder.
— C’est comme la première fois, dit-il. Il y a même une
donii pour veiller sur nous.
Il leva les yeux vers la niche, où la statuette d’ivoire
tutélaire se détachait dans la lueur de la lampe.
— C’est la première fois... chez les Autres,
murmura-t-elle.
Elle ferma les yeux. Elle ressentait à la fois la montée du
désir et la solennité du moment.
Il lui prit le visage entre les mains, baisa tour à tour les
deux paupières closes, avant de contempler longuement une fois de plus la femme
qu’il trouvait plus belle que toutes celles qu’il avait connues. Sa beauté
avait une qualité étrange. Ses pommettes étaient plus saillantes que celles des
femmes Zelandonii, ses yeux plus largement espacés, frangés de cils drus, plus
foncés que son abondante chevelure dorée comme l’herbe d’automne. La ligne de
sa mâchoire était ferme, son menton
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