Les chasseurs de mammouths
entendait une toux sèche.
Durant les années de solitude dans la vallée, les nuits avaient
toujours été pour Ayla les moments les plus pénibles. Pendant la journée, elle
pouvait toujours se trouver des occupations, mais, la nuit, le vide et le
silence de la caverne l’assaillaient brutalement. Dans les débuts, alors qu’elle
entendait seulement son propre souffle, elle avait eu du mal à dormir. Avec le
Clan, il y avait toujours eu quelqu’un de proche, la nuit. Le pire des
châtiments consistait à se voir mis à part, condamné à la solitude. La
quarantaine, l’ostracisme, la Malédiction Suprême.
Elle ne savait que trop à quel point ce châtiment était
terrible. Elle en prenait encore plus conscience en cet instant. Étendue dans l’obscurité,
elle écoutait autour d’elle les bruits de la vie, elle sentait contre elle la
chaleur de Jondalar et, pour la première fois depuis qu’elle avait rencontré
ces gens – les Autres, comme elle les appelait –, elle avait l’impression
d’être chez elle.
— Jondalar ? murmura-t-elle.
— Hummm...
— Tu dors ?
— Pas encore, marmonna-t-il.
— Ils sont très gentils, ces gens. Tu avais raison :
il était nécessaire pour moi de faire leur connaissance.
Le cerveau embrumé de Jondalar retrouva sa lucidité. Lorsqu’elle
aurait rencontré des gens de sa propre race, avait-il espéré, lorsqu’ils ne
seraient plus pour elle des inconnus, ils lui feraient moins peur. Il était
parti de chez lui depuis bien des années, le voyage de retour serait long et
difficile. Il fallait qu’Ayla eût envie de l’accompagner. Mais sa vallée était
devenue pour elle son foyer. Elle lui procurait tout ce dont elle avait besoin pour
survivre et elle s’était forgée en ces lieux une existence bien à elle, où les
animaux remplaçaient les êtres humains qui lui manquaient. Ayla n’avait pas
envie de quitter son refuge. Elle avait plutôt souhaité voir Jondalar y rester
avec elle.
— Je le savais bien, Ayla, fit-il d’un ton persuasif. Il te
suffisait d’apprendre à les connaître.
— Nezzie me rappelle Iza. A ton avis, comment la mère de
Rydag est-elle devenue grosse de lui ?
— Qui peut savoir pourquoi la Mère lui a donné un enfant d’esprits
mêlés ? Les voies de la Mère sont toujours mystérieuses.
Elle garda un moment le silence.
— Je ne pense pas que la Mère lui ait donné des esprits
mêlés. Je pense qu’elle a connu un homme qui faisait partie des Autres.
Jondalar fronça les sourcils.
— Pour toi, je le sais, les hommes jouent un rôle dans la
création d’une vie. Mais comment une femme Tête Plate aurait-elle pu connaître
un Autre ?
— Je n’en sais rien, mais les femmes du Clan ne voyagent
pas seules et elles se tiennent à l’écart des Autres. Les hommes du Clan n’aiment
pas voir les Autres tourner autour de leurs femmes. Selon eux, les enfants sont
créés par l’esprit du totem d’un homme, et ils ne tiennent pas à voir un Autre
et son esprit s’approcher de trop près. Les femmes, elles, en ont peur. Aux
Rassemblements du Clan, on raconte sans cesse de nouvelles histoires de gens
malmenés ou blessés par les Autres, les femmes en particulier.
« Pourtant, la mère de Rydag n’en avait pas peur. Nezzie
dit qu’elle les a suivis pendant deux jours, et elle est venue vers Talut quand
il lui a fait signe. N’importe quelle femme du Clan aurait pris la fuite à sa
vue. Sans doute avait-elle connu plus tôt un Autre qui l’avait bien traitée ou
qui, au moins, ne l’avait pas fait souffrir, puisqu’elle n’a pas eu peur de Talut.
Lorsqu’elle a eu besoin d’aide, pour quelle raison a-t-elle pensé qu’elle
pourrait en trouver chez les Autres ?
— Peut-être parce qu’elle a vu Nezzie donner le sein à son
petit, suggéra Jondalar.
— C’est possible. Mais cela n’explique pas pourquoi elle
était seule. La seule explication qui me vienne à l’esprit, c’est qu’elle avait
été maudite, chassée par son clan. Les femmes du Clan ne sont pas souvent
maudites. Il n’est pas dans leur nature de s’attirer un tel châtiment.
Peut-être était-ce à cause d’un homme qui faisait partie des Autres.
Ayla s’interrompit un instant, avant d’ajouter
pensivement :
— La mère de Rydag devait avoir grande envie de mettre au
monde son petit. Il lui a fallu beaucoup de courage pour s’approcher des
Autres, même si elle avait connu un homme de leur race. Si elle
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