Les chasseurs de mammouths
nous honorons la Mère en partageant ses
Dons, se reprit-il.
Comment lui dire franchement qu’ils n’avaient pas à cesser de
partager les Plaisirs ? Iza l’avait mise en garde : jamais elle ne
devrait parler à personne, et surtout pas à un homme, de la médecine secrète.
— Je ne crois pas que tu doives être inquiet, dit-elle à
Jondalar. Je ne suis pas sûre que ce soit l’homme qui produise les enfants. Et,
si c’est la Grande Mère qui décide, Elle peut choisir n’importe quel moment, n’est-ce
pas ?
— Oui, et cela m’a tourmenté. Pourtant, si nous refusons
Son Don, Elle pourrait s’en offenser. Elle s’attend à ce que nous L’honorions.
— Jondalar, si Elle décide, Elle décidera. Le moment venu,
nous pourrons prendre notre décision. Je ne voudrais pas que tu L’offenses.
— Tu as raison, Ayla, approuva-t-il, quelque peu soulagé.
Non sans un petit pincement de regret, la jeune femme décida de
continuer à prendre la tisane qui empêchait la conception des enfants. Mais,
cette nuit-là, elle rêva qu’elle avait des petits : certains avaient de
longs cheveux blonds, d’autres ressemblaient à Rydag et à Durc Vers le matin,
elle fit un rêve qui prit une dimension nouvelle, menaçante, détachée de ce
monde.
Dans ce rêve, elle avait deux fils que personne n’eût pris pour
des frères. L’un était grand et blond, comme Jondalar. L’autre, l’aîné, elle le
savait, était Durc, bien que son visage fût dans l’ombre. Les deux frères
avançaient l’un vers l’autre, de deux directions opposées, au milieu d’une
étendue plate, déserte, désolée, balayée par le vent. Elle ressentait une
profonde anxiété : il allait se passer quelque chose de terrible qu’elle
devait empêcher de se produire. Alors, sous le coup d’une terreur soudaine,
elle comprit que l’un de ses fils allait tuer l’autre. Elle s’efforçait de les
rejoindre, mais une sorte de muraille épaisse, visqueuse l’avait prise au
piège. Ils étaient presque face à face, les bras levés, comme pour frapper...
Elle hurla.
— Ayla ! Ayla ! Que se passe-t-il ? Jondalar
la secouait.
Mamut se dressa tout à coup près de lui.
— Réveille-toi, enfant ! dit-il. Réveille-toi. Ce n’est
qu’un symbole, un message. Réveille-toi, Ayla !
— Mais l’un des deux va mourir ! s’écria-t-elle,
encore en proie aux émotions du rêve.
— Ce n’est pas ce que tu crois, Ayla, reprit Mamut. Ça ne
veut peut-être pas dire qu’un... frère mourra. Il te faut apprendre à fouiller
tes rêves pour découvrir leur véritable signification. Tu possèdes le Talent,
il est très fort en toi, mais tu n’as pas été initiée.
La vision d’Ayla s’éclaircit. Elle vit deux visages inquiets
penchés sur elle. Les deux hommes étaient de haute taille, l’un jeune et beau,
l’autre vieux et sage. Jondalar brandissait un tison au-dessus d’elle pour l’aider
à se réveiller. Elle se redressa, tenta de sourire.
— Tout va bien, à présent ? questionna Mamut.
— Oui. Oui. Je regrette de t’avoir réveillé.
Oubliant que le vieil homme ne comprenait pas cette langue, Ayla
s’exprimait en Zelandonii.
— Nous parlerons plus tard, dit-il.
Avec un doux sourire, il retourna vers sa couchette.
Au moment où elle se réinstalla avec Jondalar sur leur
plate-forme, Ayla vit retomber le rideau de l’autre couchette occupée. Elle se
sentit un peu gênée d’avoir causé un tel émoi. Elle se blottit contre Jondalar,
la tête au creux de son épaule. Elle lui était reconnaissante de sa chaleur, de
sa présence. Elle allait se rendormir quand, subitement, ses yeux se rouvrirent
tout grands.
— Jondalar, murmura-t-elle, comment Mamut a-t-il su que j’avais
rêvé de mes fils, rêvé que l’un des deux tuait l’autre ?
Mais il dormait déjà.
5
Réveillée dans un sursaut, Ayla, sans bouger, tendit l’oreille.
Elle entendit de nouveau un gémissement aigu. Quelqu’un, apparemment, souffrait
le martyre. Inquiète, elle souleva le rideau, regarda à l’extérieur. Crozie,
debout dans le passage central près du sixième foyer, tendait les bras en
croix, dans une attitude de désespoir suppliant bien calculée pour éveiller la
sympathie.
— Il veut me percer le cœur ! Il veut me tuer !
Il veut dresser ma propre fille contre moi ! hurlait Crozie, comme si elle
allait mourir. Elle crispa les mains sur sa poitrine. Plusieurs personnes s’immobilisèrent
pour
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