Les chasseurs de mammouths
convulsivement son souffle.
Elle était habituée à l’eau froide, mais bientôt, se
disait-elle, on ne pourrait plus se baigner dans la rivière.
En retrouvant la rive, elle s’essuya rapidement des deux mains,
s’habilla vivement. Une chaleur qui lui fouettait le sang ne tarda pas à
remplacer le froid engourdissant, tandis qu’elle remontait la berge. Elle se
sentait renouvelée, vivifiée et elle sourit quand un soleil las émergea un
instant victorieusement d’un ciel couvert.
En approchant du Camp, elle s’arrêta sur une aire de terre
battue, près de l’entrée, pour regarder les petits groupes plongés dans des
occupations variées.
Jondalar s’entretenait avec Wymez et Danug, et le sujet de la
conversation entre les trois tailleurs de silex ne pouvait faire aucun doute.
Non loin de là, quatre personnes détachaient les cordes qui avaient retenu à un
cadre rectangulaire, fait de deux côtes de mammouth assemblées par des
lanières, une peau de cerf, maintenant transformée en un cuir souple, presque
blanc. Tout près, Deegie, à l’aide d’une autre côte, étirait et frappait de
coups vigoureux une autre peau accrochée à un cadre semblable. On travaillait
le cuir pendant qu’il séchait afin de l’assouplir. Cela, Ayla le savait. Mais
le tendre sur un cadre fait de côtes de mammouth représentait pour elle une
méthode nouvelle. Très intéressée, elle observa tous les détails de l’opération.
Une série de petites fentes avaient été ménagées près du bord de
la peau, sur tout le contour. On passait une corde dans chacune d’entre elles,
on l’attachait au cadre, on la serrait fortement pour bien tendre la peau.
Deegie pesait de tout son poids, à chaque coup, sur la côte qu’elle tenait, et
l’on avait l’impression chaque fois que l’os allait passer au travers du cuir,
mais la peau solide et flexible, tout en accusant le choc, ne cédait pas.
D’autres personnes rangeaient les restes de mammouth dans des
fosses creusées en terre. Des os, des défenses jonchaient le sol alentour. Un
appel lui fit lever la tête. Talut et Tulie approchaient le Camp. Ils portaient
sur leurs épaules une énorme défense de mammouth encore attachée au crâne. La
plupart des os ne provenaient pas d’animaux qu’ils avaient tués. On en trouvait
parfois sur les steppes, mais les plus nombreux provenaient des méandres de la
rivière, où les eaux torrentueuses avaient déposé les restes des animaux.
Ayla remarqua alors quelqu’un d’autre, qui observait les
activités du Camp. Elle sourit, en s’avançant vers Rydag, mais fut surprise de
le voir lui rendre son sourire. Les membres du Clan ne souriaient pas. S’ils
découvraient les dents, c’était généralement un signe d’hostilité, ou bien de
crainte et de nervosité extrême. Mais l’enfant n’avait pas grandi au sein du
Clan : il avait appris que cette expression était une marque d’amitié.
— Bonjour Rydag, dit Ayla.
En même temps, elle faisait le geste de salut du Clan, avec une
légère variante qui indiquait qu’on s’adressait à un enfant. Une fois de plus,
elle vit naître dans son regard une lueur de compréhension. Il se rappelle !
pensa-t-elle. Il a le souvenir de ces signes. Il suffirait de les lui rappeler.
Ce n’est pas comme moi, qui ai dû les apprendre.
Elle revoyait la consternation de Creb et d’Iza, lorsqu’ils
avaient découvert avec quelle difficulté, à la différence des enfants du Clan,
elle assimilait leur enseignement. Elle avait dû faire des efforts énormes pour
fixer les signes dans sa mémoire, alors que les autres les apprenaient du
premier coup. Certains l’avaient trouvée stupide. En grandissant, elle avait
appris à exercer sa mémoire, afin qu’on ne perdît pas patience avec elle.
Jondalar, lui, avait été stupéfait de ses capacités. Il n’en
revenait pas de sa faculté à apprendre d’autres langages, par exemple,
apparemment presque sans effort. Mais acquérir cette facilité n’avait pas été
aisé, et elle n’avait jamais entièrement compris ce qu’était la mémoire du
Clan. Personne chez les Autres n’en était capable : c’était entre eux une
différence fondamentale.
Les membres du Clan avaient des cerveaux plus importants que ceux
qui étaient venus après eux. Ils n’étaient pas moins intelligents, mais leur
intelligence avait une forme différente. Ils apprenaient à partir de souvenirs
qui, par certains côtés, se rapprochaient
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