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Les chemins de la bête

Les chemins de la bête

Titel: Les chemins de la bête Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Andrea H. Japp
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usé les apôtres pour la purification des
Évangiles ? Sur quels pouvoirs s’appuyaient-ils pour prêcher le
Christ ? (...) Aujourd’hui, hélas ! (...) l’Église menace de l’exil
et du cachot. Elle veut se faire croire par la contrainte, elle que l’on a crue
jadis jusque dans l’exil et le cachot.
     
    Cependant, ces dominicains et ces franciscains avaient tous
pouvoirs et sur tous, c’est-à-dire sur elle aussi.
    Qu’il était beau et rayonnant, ce frère Nicolas Florin. Il
avait requis l’hospitalité pour un petit mois à l’abbaye avec un aplomb qui
disait assez que sous les formules de politesse se cachait un ordre.
Étrangement, une aversion difficile à contrôler avait envahi l’abbesse dès son entrée
dans le bureau. Elle s’en étonnait, elle qui s’était toujours méfiée des
réactions impulsives. Pourtant, il y avait quelque chose chez ce jeune homme
qui l’angoissait sans qu’elle parvienne à le définir.
    — Des recherches dans le cadre d’une enquête,
dites-vous ?
    — En effet, ma mère. J’aurais dû être accompagné de
deux autres frères, ainsi qu’il est souhaitable, mais l’urgence...
    — Je ne crois pas me souvenir d’un seul cas d’hérésie
en Perche, mon fils.
    — Et de sorcellerie, d’accointances avec le démon... ?
Car vous avez eu vos succubes et vos incubes, n’est-ce pas ?
    — Qui fut épargné ?
    Il lui adressa un sourire semblable à celui d’un ange, et
approuva d’une voix tendre et peinée :
    — Quel triste mais juste constat. Vous comprendrez,
j’en suis certain, que je ne vous révèle pas le nom de la personne sur laquelle
j’enquête. Ainsi que vous le savez, notre procé dure est fort clémente et
juste. J’irai lui signifier qu’elle dis pose d’un mois, le temps de grâce, pour
avouer ses fautes Si elle persiste dans son erreur, le procès commencera. En
revanche, si elle admet ses péchés, elle sera probablement pardonnée et son nom
restera confidentiel afin de lui épar gner la vindicte de ses... voisins.
    Il joignit ses belles mains fines, priant pour qu’Agnès de
Souarcy s’obstine à jurer de son innocence. Si la description qu’on lui avait
faite de la dame était justifiée, il y avait toute chance pour qu’il en soit
ainsi. En cas contraire, sa parade était prête. Il pourrait toujours affirmer
qu’elle était ensuite revenue sur ses aveux, les relaps étant considérés comme
les pires criminels. Aucun n’évitait le bûcher. La parole de la dame de Souarcy
ne valait rien contre celle d’un seigneur inquisiteur. Le petit baron bailleur
allait avoir une bien mauvaise surprise, lui qui souhaitait juste terroriser et
déshonorer sa demi-sœur. Sa propre duplicité grisait Nicolas. Il était
maintenant de taille à tenir tête et à passer outre les ordres d’un baron.
    — Il faut au moins deux témoignages pour justifier
l’accusation, insista Éleusie de Beaufort.
    — Oh... J’en ai obtenu davantage, sans quoi, je ne
serais pas ici. Là encore, ainsi que vous le savez, notre vœu est avant tout de
protéger. Aussi ces témoins et leurs déclarations demeurent-ils secrets. Nous
souhaitons leur éviter des représailles.
    Un ange brun, le visage un peu incliné vers son épaule. Son
front illuminé d’un éclat presque irréel évoquait à Éleusie la clarté qui
tombait les matins d’hiver des géminés [96] de l’église Notre-Dame de l’abbaye. Les longues paupières étirées vers les
tempes voilaient de leur transparence bleutée un regard d’une infinie
profondeur, celle de la mort.
    Un masque. Derrière la peau pâle, un écorché rongé de
vermine. Des chairs décomposées, des lambeaux de peau verdâtres, des humeurs
visqueuses et nauséabondes. Les joues se liquéfiaient, les orbites se
creusaient, les dents se déchaussaient. Carapaces rougeâtres, pattes
grouillantes, mandibules voraces, crochets impitoyables fouillaient les chairs.
Une odeur de charogne. Un cri immense soulevait une cage thoracique vidée de
ses viscères, les côtes rongées par d’obstinées mâchoires. Il en sortait
soudain le museau rougi de sang d’un rat.
    La bête était sur eux.
    Éleusie de Beaufort se cramponna des deux mains au rebord de
sa grande table de travail, retenant le hurlement qui montait dans sa gorge.
Une voix, très loin, lui parvint :
    — Ma mère ? Vous sentez-vous bien ?
    — Un étourdissement, rien de grave, parvint-elle à
articuler avant d’ajouter : Vous êtes le

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