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Les chemins de la bête

Les chemins de la bête

Titel: Les chemins de la bête Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Andrea H. Japp
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satisfaction.
    Une voix basse, déformée par l’épaisseur de la capuche qui
dissimulait le visage, résuma :
    — Elle doit mourir. Trois cents livres pour une vie,
c’est bien plus qu’il n’en faut.
    L’idée d’un petit chantage destiné à faire grimper le prix
du sang tenta Nicolas :
    — C’est que...
    — Trois cents livres ou ta vie, choisis vite.
    La platitude de la voix de son vis-à-vis le renseigna sur le
sérieux de cette menace.
    — Madame de Souarcy mourra.
    — Homme avisé... Tu séjourneras en l’abbaye des
Clairets durant le temps de grâce. Tu te rapprocheras ainsi de ton nouveau...
jouet. Aucun ordre, aussi riche et puissant soit-il, ne peut s’opposer aux
démarches d’un seigneur inquisiteur, et les gentilles moniales s’inclineront.
Tu ne te trouveras alors qu’à quelques lieues de ta proie : la douce
Agnès.

 
     
Château d’Authon-du-Perche, juillet 1304
    La nouvelle de la mort en couches de madame Apolline de
Larnay ne surprit pas Artus d’Authon, même si elle l’affecta plus qu’il ne
l’aurait supposé. L’agonie assaillait déjà les yeux de la femme grise lorsqu’il
l’avait vue la dernière fois. Son ventre aussi : sa fille nouvelle-née,
une autre, n’avait survécu que quelques heures à sa mère. Nul doute que leur
perte n’assombrirait pas outre mesure le petit baron.
    Le décès de cet être que, pourtant, il avait jadis un peu
méprisé, lui procurait un étrange chagrin, celui que l’on éprouve devant un
irréparable gâchis.
    Il se surprit à retracer l’histoire d’Apolline. Elle faisait
partie de ces femmes qui ne se révèlent que par envie d’être aimée de l’élu de
leur cœur. Eudes n’avait rien d’un élu et ne l’avait jamais aimée. Elle était
donc restée enfermée en dedans d’elle-même, regardant les années passer. Elle
n’en était sortie que pour quelques brefs instants : lorsqu’il l’avait
visitée deux semaines auparavant.
    Mais qu’avait-il, à la fin ? Pourquoi tout lui
semblait-il si douloureux depuis quelque temps ? Après la dévastation
causée par le décès de son fils, il était parvenu à s’aménager peu à peu une
vie sans grand intérêt mais presque indolore. Certes, il n’avait jamais été de
ces hommes joyeux ou légers qui plaisent en société. Pourtant, depuis la mort
de Gauzelin, plus rien ne l’avait blessé. Que se passait-il ? Pourquoi
l’injuste fin de madame Apolline le touchait-elle à ce point ? Tant de
femmes mouraient en couches. Il se découvrait depuis quelque temps une
nervosité, une sensibilité qu’il n’avait jamais cru posséder.
    Cette femme... Un sourire lui vint, le premier de cette
morose journée, qui faisait suite à une journée tout aussi maussade. Il
s’encouragea à la lucidité, ainsi gagnerait-il du temps. Admettons : elle
ne lui avait pas quitté l’esprit depuis son retour de Souarcy. Elle s’immisçait
dans ses nuits, ou au beau milieu d’une réunion avec ses fermiers, ou lors
d’une chasse, lui faisant rater sa cible. Il s’était surpris à calculer les
différences d’âge : il avait près de vingt ans de plus qu’elle, mais après
tout son défunt mari en avait eu plus de trente. Et puis, l’âge des hommes
comptait peu puisqu’on leur demandait de pourvoir, de respecter et de protéger
en échange d’amour et d’obéissance, et que la fécondité les accompagnait toute
leur vie. Oui, mais... Elle était veuve, et le statut des veuves nobles avec
enfant était sans doute un des plus appréciables pour une dame. Faute de
fortune personnelle, elles jouissaient, à tout le moins, d’un douaire,
puisqu’il était inconcevable d’abandonner dans le besoin celles qui avaient
rempli leurs obligations d’épouse et de mère. Sans plus de père ni de mari,
elles devenaient maîtresses de leur destin. Cet accidentel statut expliquait
que nombre de nobles ou de bourgeoises ne souhaitassent pas s’unir à nouveau.
Agnès de Souarcy se trouvait-elle dans ces dispositions d’esprit ? Qu’en
savait-il ? Et puis, qui disait qu’elle l’avait trouvé séduisant, voire
simplement plaisant ?
    Lorsqu’il en eut fini de ses lancinantes questions sans
réponse, une humeur sombre remplaça l’espèce d’énervement qui l’empêchait de
trouver le repos.
    Son poing heurta avec violence la table de travail, faisant
sursauter l’encrier en forme de coque de navire, qui manqua se renverser.
    Une fille publique, voilà ce qu’il

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