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Les chemins de la bête

Les chemins de la bête

Titel: Les chemins de la bête Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Andrea H. Japp
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pour lequel
il s’acharnait jusqu’à se crever la vue préférait la guerre et le ventre des
femmes aux manuscrits. De la valetaille, tous les deux, rien d’autre ! Le
parfait minois de Nicolas, sans oublier sa talentueuse duplicité, lui avaient
valu la faveur de nombreuses dames et de quelques messieurs. Son intelligence
le placerait bientôt au-dessus d’eux tous. Nul ne pourrait lui résister, et il
n’aurait plus à courber l’échine devant aucun. Même les grands seigneurs du
royaume tremblaient devant l’Inquisition. Un seul maître : le pape, et il
était bien loin.
    Le pouvoir de la terreur. Il en jouissait maintenant et il
comptait en abuser.
    Le beau dédommagement que ces tortures, cette mort qu’il
pouvait dispenser comme bon lui semblait. Il est si facile d’accuser quelqu’un
d’hérésie ou de possession. Il est si facile de lui faire avouer des crimes que
l’on a inventés pour lui. Nul besoin de bourreaux, Nicolas les écartait pour
œuvrer lui-même. Quelques minutes passées avec lui dans la salle de Question.
Rien d’autre. Nicolas l’avait amplement vérifié. Si l’accusé avait du bien, une
négociation était possible. Dans le cas contraire, il mourait, et sa terreur,
sa souffrance indemnisaient Nicolas. Dans un cas comme dans l’autre, il
gagnait. Cette constatation lui arracha un pouffe-ment heureux.
    Robert le Bougre, quel impeccable modèle. Un raz-de-marée de
hurlements, de sang, de viscères répandus, de pieds écrasés, d’yeux crevés, de
chair dépecée. Cinquante morts en quelques mois, victimes de son bref passage à
Châlons-sur-Marne, à Péronne, à Douai, à Lille. Le grand bûcher du mont
Saint-Aimé : cent quatre-vingt-trois parfaits cathares ou prétendus tels,
carbonisés en quelques heures.
    Pauvre, pauvre insipide Bartolomeo... Jamais il ne
connaîtrait la grandeur et encore moins la jouissance qu’elle procure.
    Allons, il allait devoir se consacrer à cette affaire
d’Agnès de Souarcy que l’on venait de lui porter, accompagnée d’une belle
bourse, la première. La seconde lui serait remise après la disgrâce de
l’accusée. Pourquoi pas la mort ? Mais le baron commanditaire avait
insisté sur le fait que la jeune veuve ne devait pas mourir, que ce soit sur la
table de question ou sur le bûcher. Quant à la torture, elle devrait être
appliquée avec le plus de ménagement possible, ce que rendait possible la
différence des sévices infligés aux femmes, plus « charitables » que
ceux que l’on réservait aux hommes [93] .
Il n’en avait pas fallu davantage à Nicolas pour comprendre qu’il s’agissait là
de la punition souhaitée par un amoureux incestueux, éconduit de surcroît.
    Une femme, une dame, quel plaisir. Elles sont si troublantes
lorsqu’elles se tordent de terreur. Celle-là surtout, puisqu’on la lui avait
décrite comme fort belle.
    Quelle déception ! Bah, après tout, il était grassement
payé. Une autre victime stupide lui permettrait de dissiper sa frustration. Les
faux coupables ne faisaient pas défaut.
    Les arguments que lui avait fournis le bailleur pour étayer
sa procédure inquisitoire étaient un peu désordonnés, aussi Nicolas avait-il
résolu de forger les preuves lui-même. Le motif d’hérésie était le plus
propice. Il connaissait toutes les ruses de ces procès. Aucun accusé  –
même innocent comme l’agneau nouveau-né  – ne pouvait sortir de ses
griffes.
    Il étendit les bras devant lui de contentement, et se renversa
dans son fauteuil en fermant les yeux. Une sorte d’instinct l’avertit d’une
présence, et il les rouvrit.
    Elle se tenait immobile devant lui, sans qu’il l’ait
entendue pénétrer dans le bureau. Une silhouette, lourdement emmitouflée d’une
robe de bure brune dont la capuche était abaissée sur ses yeux. Une hargne
instantanée remplaça la bonne humeur de Nicolas. Qui osait entrer ainsi sans
être annoncé ? Qui avait l’outrecuidance de mépriser ainsi son importance
et sa fonction ?
    Il se leva et ouvrit la bouche pour tancer l’intrus, mais
une main gantée sortit d’une manche large et lui tendit un court rouleau de
papier.
    Une succession d’émotions contradictoires le submergea à
mesure qu’il prenait connaissance de son contenu : la stupéfaction, la
peur, l’avidité, et enfin une joie féroce.
    La silhouette patientait, sans prononcer une parole.
    — Que dois-je en penser ? murmura Nicolas, la voix
tremblante de

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