Les chevaliers de la table ronde
souvent en parallèle le nom de Niniane avec celui
de saint Ninian, évangélisateur de l’Écosse, dont le nom a été attribué à un
affluent de l’Yvel, rivière du Morbihan, près de la forêt de Lanouée, à
l’intérieur même de l’ancienne Brocéliande. Il est possible de retrouver dans
la forme Nimue le vieux terme celtique nem qui signifie « ciel », ce qui ferait
de Viviane une sorte de divinité céleste, ce qu’elle n’est pas dans la légende.
Elle est davantage une image « folklorisée » d’une déesse de la
fécondité et des eaux douces, ce qui justifie pleinement le rôle – et le titre
– de « Dame du Lac » qu’elle aura par la suite. Dans ce cas, il
faudrait voir, à l’origine de son nom, une déformation de l’un des noms de la
déesse irlandaise des eaux douces et de la fécondité, Boann ou Boinn (soit la rivière Boyne personnifiée et divinisée), lequel nom provient de
l’ancien celtique Bo-Vinda , c’est-à-dire
« Vache Blanche ». Il faut en tout cas, dans cette version de la
légende dite de Gautier Map, tenir compte de la référence à la déesse Diane,
dans un contexte évident de sorcellerie ou de magie nocturne. Sur le nom et le
rôle de Viviane-Niniane, voir J. Markale : Merlin
l’Enchanteur , Paris, Albin Michel, 1992, pp. 115-123.
[63] La description de Viviane est empruntée mot pour mot à la description
de l’héroïne Étaine dans le récit irlandais de l’Histoire
d’Étaine , contenu dans un manuscrit gaélique du XII e siècle. Voir J. Markale, l’Épopée celtique d’Irlande , pp. 49-50. Cette
description correspond très exactement aux canons de la beauté féminine chez
les anciens Celtes.
[64] Ce sera Hector des Mares, compagnon de Lancelot du Lac.
[65] D’après le Merlin de la tradition de Gautier Map. Dans la
version issue de la tradition de Robert de Boron (reprise ensuite au XV e siècle par Thomas Malory), l’attitude de Viviane
est fondamentalement différente. D’abord, Viviane est une fille de roi qui est
venue à la cour d’Arthur, et c’est là que Merlin la rencontre. La jeune fille
lui plaît tant qu’il en tombe amoureux. « Mais l’amour que lui portait
Merlin la terrifiait, car elle avait peur qu’il ne la trompât par ses
enchantements ou qu’il n’abusât d’elle pendant qu’elle dormait. » Et comme
la jeune Viviane doit retourner chez son père en compagnie de Merlin, elle se
trouve complètement bouleversée et consternée, « car elle le détestait plus qu’aucun homme au monde ».
Un peu plus avant, dans le cours de l’action, l’auteur dit : « Elle
vouait à Merlin une haine mortelle parce qu’elle savait qu’il n’en voulait qu’à
son pucelage. Si elle en avait eu l’audace, elle l’aurait tué sans hésiter, en
l’empoisonnant ou autrement, mais elle n’osait de peur d’être démasquée, car
elle le savait plus perspicace que quiconque. » Et, de plus, Viviane avoue
que, même si elle le voulait, elle ne pourrait aimer Merlin parce qu’elle sait
qu’il est le fils d’un diable. Cette problématique est reprise intégralement
dans la Mort
d’Arthur de Thomas Malory, version la plus couramment répandue dans les
pays anglo-saxons et qui sert de trame au film de John Boorman, Excalibur . Il est bien certain qu’il existe deux
versions diamétralement opposées de la légende, l’une, continentale, qui
insiste sur l’amour partagé de Viviane et de Merlin, l’autre, purement
insulaire, qui fait de Merlin un « satyre » et de Viviane une
« garce », et, en dépit de certains points communs (Viviane disciple
de Merlin, thème de la Dame du Lac), il est très difficile de les concilier.
J’ai choisi ici la version continentale, avec des emprunts mineurs à la version
insulaire.
[66] C’est-à-dire Carlisle, forteresse britto-romaine sur le mur d’Hadrien
qui séparait la Bretagne proprement dite (l’Angleterre actuelle) de l’Écosse,
pays des Pictes et des Bretons irréductibles. Dans les récits en langue
française, les trois résidences principales d'Arthur sont Carduel, Kaerlion sur
Wysg, c'est-à-dire l'antique Isca Silurum ,
particulièrement riche en vestiges romains, au sud-est du Pays de Galles, et
Camelot (ou Kamaalot), qui est peut-être la forteresse celtique de Cadbury dans
le Somerset, non loin de Glastonbury. . Dans les textes anglais, c'est Camelot
qui domine. Dans les textes gallois, Kaerlion le dispute à Kaer Lloyw
(Gloucester) et à
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