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Les chevaliers du royaume

Les chevaliers du royaume

Titel: Les chevaliers du royaume Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: David Camus
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les lépreux. Massada fut autorisé à travailler avec eux : la lèpre ne lui faisait plus peur. Il rayonnait d’un feu intérieur, une lumière l’habitait. Quand on le questionnait sur sa bonne humeur, lorsque aucun événement particulier ne semblait la justifier, il expliquait :
    — Après tout ce que j’ai connu, plus rien de mal ne peut m’arriver. Je suis condamné au bonheur, et c’est tant mieux !
    On aurait dit Yemba. Son enthousiasme, sa gaieté, l’avaient métamorphosé. Chacun recherchait sa compagnie, lui demandait son avis sur différents sujets, aimait à flâner ou travailler avec lui. Surtout, on considérait comme un honneur d’être autorisé à nourrir Carabas, ramené par Yemba, et d’assister au repas de cet âne, vieux de… Enfin, si vieux ! À cinquante ans passés, Massada était né.
    Algabaler et Daltelar, qui avaient tant aidé à défendre la ville, se trouvaient trop âgés pour partir. Ils auraient préféré mourir. Ils furent logés à grands frais par Saladin, qui mit à leur disposition l’une des plus belles maisons de Jérusalem afin qu’ils y finissent leurs jours en paix. Les deux vieillards exultaient. Peu leur importait, au fond, que cette ville fût dirigée par des chrétiens ou des Mahométans, pourvu qu’on ne s’y souciât pas de leur âme.
    Enfin, alors qu’ils se rendaient au dôme du Rocher, dont on avait éteint l’incendie et purifié les salles à grands seaux d’eau de rose, le cadi Ibn Abi Asroun dit à Saladin :
    — Tu vois, Excellence, la prophétie de Sohrawardi ne s’est pas accomplie. Tu es entré dans Jérusalem et tu n’as pas perdu d’œil.
    — Tu te trompes, répondit Saladin. Car j’ai perdu le plus précieux.
    — C’est-à-dire ? demanda le cadi.
    — Taqi ad-Din.
    Surpris par cette réponse, le cadi se tourna vers le sultan, qui pleurait abondamment.
    Le lendemain matin, aux aurores, Cassiopée et Simon quittèrent la ville, se faufilant comme des voleurs par la poterne Sainte-Marie-Madeleine sans dire au revoir à personne, Rufinus, la bouche close par un épais bâillon, fourré dans un sac de selle. Ils avaient le cœur gros, mais ne voulaient pas montrer leur peine. Munis d’un laissez-passer et de deux bourses données par Saladin (l’une pleine d’or, l’autre de diamants), ils se dirigèrent vers le nord, afin d’y prendre le premier navire traversant la Méditerranée. Ni Cassiopée ni Simon n’avaient envie de s’attarder en Terre sainte. Cependant, ils décidèrent de passer au krak des Chevaliers, pour y saluer Alexis de Beaujeu. Il leur fallut trois jours de chevauchée sous des pluies diluviennes pour atteindre le djebel Ansariya.
    Une fois en présence d’Alexis de Beaujeu, dont les soldats s’évertuaient à protéger les populations du comté de Tripoli et ne pouvaient se porter en nombre suffisant à Tyr pour aider Conrad de Montferrat, ils contèrent la fin de Morgennes. Beaujeu, le visage ruisselant de larmes, dit qu’il nourrirait un pauvre en son nom pendant toute une année, ce qui est le plus bel hommage que l’on puisse rendre à un Hospitalier décédé.
    Puis ils rallièrent Tripoli, d’où ils effectuèrent une traversée, ponctuée de terribles tempêtes, à bord – ironie du sort – de l’un des dix navires ayant servi à débarquer les troupes du fameux Chevalier Vert, chef des renforts envoyés en Terre sainte par le roi de Sicile, Guillaume II.
    Arrivés en Italie peu avant la fin du mois d’octobre, ils demandèrent audience au pape ; on leur répondit qu’il n’y en avait plus, le dernier successeur de Pierre ayant rejoint son ultime demeure : le ciel.
    — Que faire alors ? s’enquit Simon auprès de l’archevêque qui les recevait.
    — Attendre…
    Cela avait été dit avec un calme déconcertant, la vie étant ainsi faite à Rome : les papes mouraient, les choses se tassaient un peu, puis un nouveau pape était élu et tout reprenait son cours. Pour le moment, les évêques attendaient, en se tournant les pouces ou en priant – quand ils ne complotaient pas. À en juger par sa mine et la vitesse à laquelle ses pouces gantés de rouge tournaient à l’abri de ses mains croisées, leur interlocuteur devait faire partie de ceux qui complotaient, inquiets de ce que l’avenir leur réservait. Camérier de Sa Sainteté ? Protonotaire apostolique ? Nonce ? Vice-légat ? Légat peut-être…
    Comme Simon s’étonnait de la contiguïté du décès

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