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Les chevaliers du royaume

Les chevaliers du royaume

Titel: Les chevaliers du royaume Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: David Camus
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chevaliers se montrèrent étonnés : ils venaient d’arriver en renfort, de Provence, de France ou d’Angleterre, et ne connaissaient pas Morgennes. Qu’il fût l’un des gardiens chargés de veiller sur le Saint Bois les impressionnait, et qu’il ait pu trahir les horrifiait.
    L’interrogatoire continua quelque temps, puis quand chaque frère eut assez questionné Morgennes, Beaujeu déclara :
    — Beaux doux seigneurs frères, j’ai peine à croire ce que nous raconte le beau doux frère Morgennes. Pourtant, je le connais, il n’est pas homme à mentir ni à passer sous silence des vérités gênantes. Ce qu’il nous décrit est, en effet, accablant : alors que nos frères, ses compagnons d’armes, rendaient l’âme en restant fidèles au Christ et mouraient en martyrs, lui reniait sa foi, et de croyant devenait infidèle. Beau doux frère Morgennes, avant que de statuer sur ce que tu as fait, peux-tu nous assurer que tu n’as pas été frappé de chaleur, tellement que la tête t’en tourna, si bien que les paroles que tu prononças furent dites seulement des lèvres, et non du cœur ?
    — Ce que j’ai dit, je l’ai dit, fit Morgennes. Des lèvres ou du cœur, pour moi, cela ne fait aucune différence.
    — Beau doux frère, pense bien à ce que tu dis là, car ce sont des paroles graves, poursuivit Beaujeu. J’ai demandé au frère chapelain de venir afin qu’il te délie de ta profession de foi et du serment que tu as fait à Saladin.
    — Ce serment, pardonne-moi beau doux sire, seigneur commandeur, mais seul Saladin peut m’en délier. Pour ma part, je lui resterai fidèle. Ou je n’ai pas d’honneur.
    — Frère ! s’emporta le frère chapelain. Par l’amour de Notre Seigneur Jésus-Christ, je t’en conjure ! Veux-tu être chassé de l’ordre et finir tes jours dans une cellule ?
    — Non, dit Morgennes. Mais, si c’est ce qui doit arriver, alors ainsi soit-il.
    — N’as-tu pas envie qu’il en soit autrement ? demanda le frère chapelain, un ton plus bas.
    — Bien sûr que si, répondit Morgennes. Qui ne le voudrait ? Mais j’ai agi en mon âme et conscience, conformément aux signes que j’ai cru recevoir de Dieu.
    — De quels signes parles-tu ?
    — Peu avant de me convertir, j’ai demandé à Dieu de m’éclairer…
    Des bûches craquèrent dans l’âtre, et Morgennes s’interrompit. Ce qu’il avait lu dans l’absence de signes, à Hattin, c’était que Dieu lui demandait de continuer. À qui confier cela ? En avait-il seulement le droit ? Qui le comprendrait ? Dans le doute, il préféra se taire, et dit simplement :
    — C’est entre Dieu et moi.
    — Permets-moi de te rappeler, beau doux frère Morgennes, l’inscription gravée sur l’un des piliers de la galerie qui mène à cette salle : Sit tibi copia, Sit sapientia, Formaque detur Inquinat omnia sola, Superbia si comitetur. Garde-toi de l’orgueil ! Ne te crois pas supérieur à tes frères ! Ici, nous sommes tous des pécheurs, et tous nous demandons pardon à Dieu, à Notre Dame et à nos frères pour ce que nous avons fait. Repens-toi, frère Morgennes !
    — Je me repens, dit Morgennes. J’implore la pitié de Dieu et de Notre Dame, et la vôtre, mes frères, car j’ai fauté en reniant Dieu. Mais sachez beaux doux frères que je ne l’ai pas fait par orgueil ou haine de la Vraie Croix.
    — Que veux-tu dire ? l’interrogea l’un des frères avec un fort accent saxon.
    — J’avoue ne pas avoir voulu mourir, c’est le premier point… Je comprends mes compagnons d’armes, morts au nom du Christ, mais je restais sur une vive douleur : la Sainte Croix venait d’être prise, j’avais failli à mon devoir, de soldat, de chrétien. Il m’a semblé que je n’avais pas le droit de mourir sans essayer d’arranger cela, quitte à sacrifier le peu d’honneur qui me restait…
    — Et qui nous dit que tu n’as pas eu peur de mourir et préféré te convertir ? Tu parles de sacrifice, j’y vois plutôt orgueil et peur, dit l’un des frères chevaliers.
    — J’ai peut-être eu tort, c’est vrai, mais j’ai pensé à la Sainte Croix. Je ne me sentais pas digne de mourir au nom du Christ tant qu’elle était entre les mains des Sarrasins. Ma conversion m’a paru peu de chose à côté de cette tragédie, pourvu que la Vraie Croix fût retrouvée.
    Ce dernier point intéressa vivement le frère commandeur, qui demanda tout de suite à Morgennes :
    — Ta

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