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Les Confessions

Les Confessions

Titel: Les Confessions Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Jacques Rousseau
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idées de
musique et d'opéra me revinrent durant ma maladie, et dans le
transport de ma fièvre je composais des chants, des duos, des
chœurs. Je suis certain d'avoir fait deux ou trois morceaux di
prima intenzione dignes peut-être de l'admiration des maîtres s'ils
avaient pu les entendre exécuter. Oh! si l'on pouvait tenir
registre des rêves d'un fiévreux, quelles grandes et sublimes
choses on verrait sortir quelquefois de son délire!
    Ces sujets de musique et d'opéra m'occupèrent encore pendant ma
convalescence, mais plus tranquillement. A force d'y penser, et
même malgré moi, je voulus en avoir le cœur net, et tenter de faire
à moi seul un opéra, paroles et musiques. Ce n'était pas tout à
fait mon coup d'essai. J'avais fait à Chambéri un opéra-tragédie,
intitulé Iphis et Anaxarète, que j'avais eu le bon sens de jeter au
feu. J'en avais fait à Lyon un autre, intitulé la Découverte du
nouveau monde, dont, après l'avoir lu à M. Bordes, à l'abbé de
Mably, à l'abbé Trublet et à d'autres, j'avais fini par faire le
même usage, quoique j'eusse déjà fait la musique du prologue et du
premier acte, et que David m'eût dit, en voyant cette musique,
qu'il y avait des morceaux dignes de Buononcini.
    Cette fois, avant de mettre la main à l'œuvre, je me donnai le
temps de méditer mon plan. Je projetai dans un ballet héroïque
trois sujets différents en trois actes détachés, chacun dans un
différent caractère de musique; et, prenant pour chaque sujet les
amours d'un poète, j'intitulai cet opéra les Muses galantes. Mon
premier acte, en genre de musique forte, était le Tasse; le second,
en genre de musique tendre, était Ovide; et le troisième, intitulé
Anacréon, devait respirer la gaieté du dithyrambe. Je m'essayai
d'abord sur le premier acte, et je m'y livrai avec une ardeur qui,
pour la première fois, me fit goûter les délices de la verve dans
la composition. Un soir, près d'entrer à l'Opéra, me sentant
tourmenté, maîtrisé par mes idées, je remets mon argent dans ma
poche, je cours m'enfermer chez moi; je me mets au lit, après avoir
bien fermé mes rideaux pour empêcher le jour d'y pénétrer; et là,
me livrant à tout l'oestre poétique et musical, je composai
rapidement en sept ou huit heures la meilleure partie de mon acte.
Je puis dire que mes amours pour la princesse de Ferrare (car
j'étais le Tasse pour lors), et mes nobles et fiers sentiments
vis-à-vis de son injuste frère, me donnèrent une nuit cent fois
plus délicieuse que je ne l'aurais trouvée dans les bras de la
princesse elle-même. Il ne resta le matin dans ma tête qu'une bien
petite partie de ce que j'avais fait; mais ce peu, presque effacé
par la lassitude et le sommeil, ne laissait pas de marquer encore
l'énergie des morceaux dont il offrait les débris.
    Pour cette fois je ne poussai pas fort loin ce travail, en ayant
été détourné par d'autres affaires. Tandis que je m'attachais à la
maison Dupin, madame de Beuzenval et madame de Broglie, que je
continuai de voir quelquefois, ne m'avaient pas oublié. M. le comte
de Montaigu, capitaine aux gardes, venait d'être nommé ambassadeur
à Venise. C'était un ambassadeur de la façon de Barjac, auquel il
faisait assidûment sa cour. Son frère, le chevalier de Montaigu,
gentilhomme de la manche de monseigneur le Dauphin, était de la
connaissance de ces deux dames, et de celle de l'abbé Alary de
l'Académie française, que je voyais aussi quelquefois. Madame de
Broglie, sachant que l'ambassadeur cherchait un secrétaire, me
proposa. Nous entrâmes en pourparler. Je demandais cinquante louis
d'appointement, ce qui était bien peu dans une place où l'on est
obligé de figurer. Il ne voulait me donner que cent pistoles, et
que je fisse le voyage à mes frais. La proposition était ridicule.
Nous ne pûmes nous accorder. M. de Francueil, qui faisait ses
efforts pour me retenir, l'emporta. Je restai, et M. de Montaigu
partit, emmenant un autre secrétaire appelé M. Follau, qu'on lui
avait donné au bureau des affaires étrangères. A peine furent-ils
arrivés à Venise, qu'ils se brouillèrent. Follau, voyant qu'il
avait affaire à un fou, le planta là; et M. de Montaigu, n'ayant
qu'un jeune abbé appelé M. de Binis, qui écrivait sous le
secrétaire et n'était pas en état d'en remplir la place, eut
recours à moi. Le chevalier son frère, homme d'esprit, me tourna si
bien, me faisant entendre qu'il y avait des droits attachés à

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