Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Les Confessions

Les Confessions

Titel: Les Confessions Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Jacques Rousseau
Vom Netzwerk:
peu commune, me rappelaient ceux
de ma pauvre maman dans son bel âge, et m'agitaient vivement le
cœur. Mais les principes sévères que je venais de me faire, et que
j'étais résolu de suivre à tout prix, me garantirent d'elle et de
ses charmes. J'ai passé durant tout un été trois ou quatre heures
par jour tête à tête avec elle, à lui montrer gravement
l'arithmétique, et à l'ennuyer de mes chiffres éternels, sans lui
dire un seul mot galant ni lui jeter une oeillade. Cinq ou six ans
plus tard je n'aurais pas été si sage ou si fou; mais il était
écrit que je ne devais aimer d'amour qu'une fois en ma vie; et
qu'une autre qu'elle aurait les premiers et les derniers soupirs de
mon cœur.
    Depuis que je vivais chez madame Dupin, je m'étais toujours
contenté de mon sort, sans marquer aucun désir de le voir
améliorer. L'augmentation qu'elle avait faite à mes honoraires,
conjointement avec M. de Francueil, était venue uniquement de leur
propre mouvement. Cette année, M. de Francueil, qui me prenait de
jour en jour plus en amitié, songea à me mettre un peu plus au
large et dans une situation moins précaire. Il était receveur
général des finances. M. Dudoyer, son caissier, était vieux, riche,
et voulait se retirer. M. de Francueil m'offrit cette place; et
pour me mettre en état de la remplir, j'allai pendant quelques
semaines chez M. Dudoyer prendre les instructions nécessaires. Mais
soit que j'eusse peu de talent pour cet emploi, soit que Dudoyer,
qui me parut vouloir se donner un autre successeur, ne m'instruisît
pas de bonne foi, j'acquis lentement et mal les connaissances dont
j'avais besoin, et tout cet ordre de comptes embrouillés à dessein
ne put jamais bien m'entrer dans la tête. Cependant, sans avoir
saisi le fin du métier, je ne laissai pas d'en prendre la marche
courante assez pour pouvoir l'exercer rondement. J'en commençai
même les fonctions. Je tenais les registres et la caisse; je
donnais et recevais de l'argent, des récépissés; et quoique j'eusse
aussi peu de goût que de talent pour ce métier, la maturité des ans
commençant à me rendre sage, j'étais déterminé à vaincre ma
répugnance pour me livrer tout entier à mon emploi.
Malheureusement, comme je commençais à me mettre en train, M. de
Francueil fit un petit voyage, durant lequel je restai chargé de sa
caisse, où il n'y avait cependant pour lors que vingt-cinq à trente
mille francs. Les soucis, l'inquiétude d'esprit que me donna ce
dépôt me firent sentir que je n'étais point fait pour être
caissier; et je ne doute point que le mauvais sang que je fis
durant cette absence n'ait contribué à la maladie où je tombai
après son retour.
    J'ai dit dans ma première partie que j'étais né mourant. Un vice
de conformation dans la vessie me fit éprouver, durant mes
premières années, une rétention d'urine presque continuelle; et ma
tante Suzon, qui prit soin de moi, eut des peines incroyables à me
conserver. Elle en vint à bout cependant; ma robuste constitution
prit enfin le dessus, et ma santé s'affermit tellement durant ma
jeunesse, qu'excepté la maladie de langueur dont j'ai raconté
l'histoire, et de fréquents besoins d'uriner que le moindre
échauffement me rendit toujours incommodes, je parvins jusqu'à
l'âge de trente ans sans presque me sentir de ma première
infirmité. Le premier ressentiment que j'en eus fut à mon arrivée à
Venise. La fatigue du voyage et les terribles chaleurs que j'avais
souffertes me donnèrent une ardeur d'urine et des maux de reins que
je gardai jusqu'à l'entrée de l'hiver. Après avoir vu la Padoana,
je me crus mort, et n'eus pas la moindre incommodité. Après m'être
épuisé plus d'imagination que de corps pour ma Zulietta, je me
portai mieux que jamais. Ce ne fut qu'après la détention de Diderot
que l'échauffement contracté dans mes courses de Vincennes, durant
les terribles chaleurs qu'il faisait alors, me donna une violente
néphrétique, depuis laquelle je n'ai jamais recouvré ma première
santé.
    Au moment dont je parle, m'étant peut-être un peu fatigué au
maussade travail de cette maudite caisse, je retombai plus bas
qu'auparavant, et je demeurai dans mon lit cinq ou six semaines
dans le plus triste état que l'on puisse imaginer. Madame Dupin
m'envoya le célèbre Morand, qui, malgré son habileté et la
délicatesse de sa main, me fit souffrir des maux incroyables, et ne
put jamais venir à bout de me sonder. Il me conseilla de

Weitere Kostenlose Bücher