Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Les Confessions

Les Confessions

Titel: Les Confessions Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Jacques Rousseau
Vom Netzwerk:
couches où elle se trouva fort mal. En
un mot, je ne mis aucun mystère à ma conduite, non seulement parce
que je n'ai jamais rien su cacher à mes amis, mais parce qu'en
effet je n'y voyais aucun mal. Tout pesé, je choisis pour mes
enfants le mieux, ou ce que je crus l'être. J'aurais voulu, je
voudrais encore avoir été élevé et nourri comme ils l'ont été.
    Tandis que je faisais ainsi mes confidences, madame le Vasseur
les faisait aussi de son côté, mais dans des vues moins
désintéressées. Je les avais introduites, elle et sa fille, chez
madame Dupin, qui, par amitié pour moi, avait mille bontés pour
elles. La mère la mit dans le secret de sa fille. Madame Dupin, qui
est bonne et généreuse, et à qui elle ne disait pas combien, malgré
la modicité de mes ressources, j'étais attentif à pourvoir à tout,
y pourvoyait de son côté avec une libéralité que, par l'ordre de la
mère, la fille m'a toujours cachée durant mon séjour à Paris, et
dont elle ne me fit l'aveu qu'à l'Ermitage, à la suite de plusieurs
autres épanchements de cœur. J'ignorais que madame Dupin, qui ne
m'en a jamais fait le moindre semblant, fût si bien instruite;
j'ignore encore si madame de Chenonceaux, sa bru, le fut aussi;
mais madame de Francueil, sa belle-fille, le fut, et ne put s'en
taire. Elle m'en parla l'année suivante, lorsque j'avais déjà
quitté leur maison. Cela m'engagea à lui écrire à ce sujet une
lettre qu'on trouvera dans mes recueils, et dans laquelle j'expose
celles de mes raisons que je pouvais dire sans compromettre madame
le Vasseur et sa famille; car les plus déterminantes venaient de
là, et je les tus.
    Je suis sûr de la discrétion de madame Dupin et de l'amitié de
madame de Chenonceaux; je l'étais de celle de madame de Francueil,
qui d'ailleurs mourut longtemps avant que mon secret fût ébruité.
Jamais il n'a pu l'être que par les gens mêmes à qui je l'avais
confié, et ne l'a été en effet qu'après ma rupture avec eux. Par ce
seul fait ils sont jugés: sans vouloir me disculper du blâme que je
mérite, j'aime mieux en être chargé que de celui que mérite leur
méchanceté. Ma faute est grande, mais c'est une erreur: j'ai
négligé mes devoirs, mais le désir de nuire n'est pas entré dans
mon cœur, et les entrailles de père ne sauraient parler bien
puissamment pour des enfants qu'on n'a jamais vus: mais trahir la
confiance de l'amitié, violer le plus saint de tous les pactes,
publier les secrets versés dans notre sein, déshonorer à plaisir
l'ami qu'on a trompé, et qui nous respecte encore en nous quittant,
ce ne sont pas là des fautes, ce sont des bassesses d'âmes et des
noirceurs.
    J'ai promis ma confession, non ma justification; aussi je
m'arrête ici sur ce point. C'est à moi d'être vrai, c'est au
lecteur d'être juste. Je ne lui demanderai jamais rien de plus.
    Le mariage de M. de Chenonceaux me rendit la maison de sa mère
encore plus agréable, par le mérite et l'esprit de la nouvelle
mariée, jeune personne très aimable, et qui parut me distinguer
parmi les scribes de M. Dupin. Elle était fille unique de madame la
vicomtesse de Rochechouart, grande amie du comte de Frièse, et par
contrecoup de Grimm, qui lui était attaché. Ce fut pourtant moi qui
l'introduisis chez sa fille: mais leurs humeurs ne se convenant
pas, cette liaison n'eut point de suite; et Grimm, qui dès lors
visait au solide, préféra la mère, femme du grand monde, à la
fille, qui voulait des amis sûrs et qui lui convinssent, sans se
mêler d'aucune intrigue ni chercher du crédit parmi les grands.
Madame Dupin, ne trouvant pas dans madame de Chenonceaux toute la
docilité qu'elle en attendait, lui rendit sa maison fort triste; et
madame de Chenonceaux, fière de son mérite, peut-être de sa
naissance, aima mieux renoncer aux agréments de la société, et
rester presque seule dans son appartement, que de porter un joug
pour lequel elle ne se sentait pas faite. Cette espèce d'exil
augmenta mon attachement pour elle, par cette pente naturelle qui
m'attire vers les malheureux. Je lui trouvai l'esprit métaphysique
et penseur, quoique parfois un peu sophistique. Sa conversation,
qui n'était point du tout celle d'une jeune femme qui sort du
couvent, était pour moi très attrayante. Cependant elle n'avait pas
vingt ans, son teint était d'une blancheur éblouissante; sa taille
eût été grande et belle, si elle se fût mieux tenue; ses cheveux,
d'un blond cendré et d'une beauté

Weitere Kostenlose Bücher