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Les Confessions

Les Confessions

Titel: Les Confessions Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Jacques Rousseau
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tel que je suis, ni
meilleur, ni pire. Je lui avais déclaré mes liaisons avec Thérèse,
et tout ce qui en avait résulté, sans omettre de quelle façon
j'avais disposé de mes enfants. Elle avait reçu mes confessions
très bien, trop bien même, en m'épargnant les censures que je
méritais; et ce qui m'émut surtout vivement, fut de voir les bontés
qu'elle prodiguait à Thérèse, lui faisant de petits cadeaux,
l'envoyant chercher, l'exhortant à l'aller voir, la recevant avec
cent caresses, et l'embrassant très souvent devant tout le monde.
Cette pauvre fille était dans des transports de joie et de
reconnaissance qu'assurément je partageais bien, les amitiés dont
M. et madame de Luxembourg me comblaient en elle me touchant bien
plus vivement encore que celles qu'ils me faisaient
directement.
    Pendant assez longtemps les choses en restèrent là: mais enfin
madame la maréchale poussa la bonté jusqu'à vouloir retirer un de
mes enfants. Elle savait que j'avais fait mettre un chiffre dans
les langes de l'aîné; elle me demanda le double de ce chiffre; je
le lui donnai. Elle employa pour cette recherche la Roche, son
valet de chambre et son homme de confiance, qui fit de vaines
perquisitions et ne trouva rien, quoiqu'au bout de douze ou
quatorze ans seulement, si les registres des Enfants-Trouvés
étaient bien en ordre, ou que la recherche eût été bien faite, ce
chiffre n'eût pas dû être introuvable. Quoi qu'il en soit, je fus
moins fâché de ce mauvais succès que je ne l'aurais été si j'avais
suivi cet enfant dès sa naissance. Si à l'aide du renseignement on
m'eût présenté quelque enfant pour le mien, le doute si ce l'était
bien en effet, si on ne lui en substituait point un autre, m'eût
resserré le cœur par l'incertitude, et je n'aurais point goûté dans
tout son charme le vrai sentiment de la nature: il a besoin, pour
se soutenir, au moins durant l'enfance, d'être appuyé sur
l'habitude. Le long éloignement d'un enfant qu'on ne connaît pas
encore affaiblit, anéantit enfin les sentiments paternels et
maternels; et jamais on n'aimera celui qu'on a mis en nourrice
comme celui qu'on a nourri sous ses yeux. La réflexion que je fais
ici peut exténuer mes torts dans leurs effets, mais c'est en les
aggravant dans leur source.
    Il n'est peut-être pas inutile de remarquer que, par l'entremise
de Thérèse, ce même la Roche fit connaissance avec madame le
Vasseur, que Grimm continuait de tenir à Deuil, à la porte de la
Chevrette et tout près de Montmorency. Quand je fus parti, ce fut
par M. la Roche que je continuai de faire remettre à cette femme
l'argent que je n'ai point cessé de lui envoyer, et je crois qu'il
lui portait aussi souvent des présents de la part de madame la
maréchale; ainsi elle n'était sûrement pas à plaindre, quoiqu'elle
se plaignît toujours. A l'égard de Grimm, comme je n'aime point à
parler des gens que je dois haïr, je n'en parlais jamais à madame
de Luxembourg que malgré moi, mais elle me mit plusieurs fois sur
son chapitre, sans me dire ce qu'elle en pensait, et sans me
laisser pénétrer jamais si cet homme était de sa connaissance ou
non. Comme la réserve avec les gens qu'on aime, et qui n'en ont
point avec nous, n'est pas de mon goût, surtout en ce qui les
regarde, j'ai depuis lors pensé quelquefois à celle-là, mais
seulement quand d'autres événements ont rendu cette réflexion
naturelle.
    Après avoir demeuré longtemps sans entendre parler de l'Émile,
depuis que je l'avais remis à madame de Luxembourg, j'appris enfin
que le marché en était conclu à Paris avec le libraire Duchesne, et
par celui-ci avec le libraire Néaulme d'Amsterdam. Madame de
Luxembourg m'envoya les deux doubles de mon traité avec Duchesne
pour les signer. Je reconnus l'écriture pour être de la même main
dont étaient celles des lettres de M. de Malesherbes qu'il ne
m'écrivait pas de sa propre main. Cette certitude que mon traité se
faisait de l'aveu et sous les yeux du magistrat, me le fit signer
avec confiance. Duchesne me donnait de ce manuscrit six mille
francs, la moitié comptant, et, je crois, cent ou deux cents
exemplaires. Après avoir signé les deux doubles, je les renvoyai
tous deux à madame de Luxembourg, qui l'avait ainsi désiré: elle en
donna un à Duchesne, elle garda l'autre, au lieu de me le renvoyer,
et je ne l'ai jamais revu.
    La connaissance de M. et de madame de Luxembourg, en faisant
quelque diversion à mon projet de retraite,

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