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Les Confessions

Les Confessions

Titel: Les Confessions Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Jacques Rousseau
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de
madame d'Étioles. Depuis lors, j'avais été mécontent de son silence
au sujet de Diderot et de tous ses procédés par rapport à moi, tant
au sujet des Fêtes de Ramire et des Muses galantes, qu'au sujet du
Devin du village, qui ne m'avait valu, dans aucun genre de produit,
des avantages proportionnés à ses succès; et, dans toutes les
occasions, je l'avais toujours trouvée très peu disposée à
m'obliger, ce qui n'empêcha pas le chevalier de Lorenzi de me
proposer de faire quelque chose à la louange de cette dame, en
m'insinuant que cela pourrait m'être utile. Cette proposition
m'indigna d'autant plus, que je vis bien qu'il ne la faisait pas de
son chef, sachant que cet homme, nul par lui-même, ne pense et
n'agit que par l'impulsion d'autrui. Je sais trop peu me
contraindre pour avoir pu lui cacher mon dédain pour sa
proposition, ni à personne mon peu de penchant pour la favorite;
elle le connaissait, j'en étais sûr, et tout cela mêlait mon
intérêt propre à mon inclination naturelle, dans les vœux que je
faisais pour M. de Choiseul. Prévenu d'estime pour ses talents, qui
étaient tout ce que je connaissais de lui; plein de reconnaissance
pour sa bonne volonté; ignorant d'ailleurs totalement dans ma
retraite ses goûts et sa manière de vivre, je le regardais d'avance
comme le vengeur du public et le mien; et, mettant alors la
dernière main au Contrat social, j'y marquai, dans un seul trait,
ce que je pensais des précédents ministères et de celui qui
commençait à les éclipser. Je manquai, dans cette occasion, à ma
plus constante maxime; et, de plus, je ne songeai pas que quand on
veut louer ou blâmer fortement dans un même article, sans nommer
les gens, il faut tellement approprier la louange à ceux qu'elle
regarde, que le plus ombrageux amour-propre ne puisse y trouver de
quiproquo. J'étais là-dessus dans une si folle sécurité, qu'il ne
me vint pas même à l'esprit que quelqu'un pût prendre le change. On
verra bientôt si j'eus raison.
    Une de mes chances était d'avoir toujours dans mes liaisons des
femmes auteurs. Je croyais au moins, parmi les grands, éviter cette
chance. Point du tout: elle m'y suivit encore. Madame de Luxembourg
ne fut pourtant jamais, que je sache, atteinte de cette manie; mais
madame la comtesse de Boufflers le fui. Elle fit une tragédie en
prose, qui fut d'abord lue, promenée et prônée dans la société de
M. le prince de Conti, et sur laquelle, non contente de tant
d'éloges, elle voulut aussi me consulter pour avoir le mien. Elle
l'eut, mais modéré, tel que le méritait l'ouvrage. Elle eut, de
plus, l'avertissement que je crus lui devoir, que sa pièce,
intitulée l'Esclave généreux, avait un très grand rapport à une
pièce anglaise assez peu connue, mais pourtant traduite, intitulée
Oroonoko. Madame de Boufflers me remercia de l'avis, en m'assurant
toutefois que sa pièce ne ressemblait point du tout à l'autre. Je
n'ai jamais parlé de ce plagiat à personne au monde qu'à elle
seule, et cela pour remplir un devoir qu'elle m'avait imposé. Cela
ne m'a pas empêché de me rappeler souvent depuis lors le sort de
celui que remplit Gil Blas près de l'archevêque prédicateur.
    Outre l'abbé de Boufflers, qui ne m'aimait pas, outre madame de
Boufflers, auprès de laquelle j'avais des torts que jamais les
femmes ni les auteurs ne pardonnent, tous les autres amis de madame
la maréchale m'ont toujours paru peu disposés à être des miens,
entre autres M. le président Hénault, lequel, enrôlé parmi les
auteurs, n'était pas exempt de leurs défauts; entre autres aussi
madame du Deffand et mademoiselle de Lespinasse, toutes deux en
grande liaison avec Voltaire, et intimes amies de d'Alembert, avec
lequel la dernière a même fini par vivre, s'entend en tout bien et
en tout honneur, et cela ne peut même s'entendre autrement. J'avais
d'abord commencé par m'intéresser fort à madame du Deffand, que la
perte de ses yeux faisait aux miens un objet de commisération; mais
sa manière de vivre, si contraire à la mienne, que l'heure du lever
de l'un était presque celle du coucher de l'autre; sa passion sans
bornes pour le petit bel esprit; l'importance qu'elle donnait, soit
en bien, soit en mal, aux moindres torche-culs qui paraissaient; le
despotisme et l'emportement de ses oracles; son engouement outré
pour ou contre toutes choses, qui ne lui permettait de parler de
rien qu'avec des convulsions; ses préjugés incroyables, son
invincible

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