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Les Confessions

Les Confessions

Titel: Les Confessions Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Jacques Rousseau
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recevais de la populace, et j'aurais
voulu lui en dérober le spectacle, pour ne pas contrister son cœur;
mais cela ne me fut pas possible; et quoique sa présence contînt un
peu les insolents dans nos promenades, elle en vit assez pour juger
de ce qui se passait dans les autres temps. Ce fut même durant son
séjour chez moi que je commençai d'être attaqué de nuit dans ma
propre habitation. Sa femme de chambre trouva ma fenêtre couverte,
un matin, des pierres qu'on y avait jetées pendant la nuit. Un banc
très massif, qui était dans la rue à côté de ma porte et fortement
attaché, fut détaché, enlevé, et posé debout contre la porte, de
sorte que, si l'on ne s'en fût aperçu, le premier qui, pour sortir,
aurait ouvert la porte d'entrée, devait naturellement être assommé.
Madame de Verdelin n'ignorait rien de ce qui se passait; car, outre
ce qu'elle voyait elle-même, son domestique, homme de confiance,
était très répandu dans le village, y accostait tout le monde, et
on le vit même en conférence avec Montmollin. Cependant elle ne
parut faire aucune attention à rien de ce qui m'arrivait, ne me
parla ni de Montmollin ni de personne, et répondit peu de chose à
ce que je lui en dis quelquefois. Seulement, paraissant persuadée
que le séjour de l'Angleterre me convenait plus qu'aucun autre,
elle me parla beaucoup de M. Hume, qui était alors à Paris, de son
amitié pour moi, du désir qu'il avait de m'être utile dans son
pays. Il est temps de dire quelque chose de M. Hume.
    Il s'était acquis une grande réputation en France, et surtout
parmi les encyclopédistes, par ses traités de commerce et de
politique, et en dernier lieu par son histoire de la maison de
Stuart, le seul de ses écrits dont j'avais lu quelque chose dans la
traduction de l'abbé Prévost. Faute d'avoir lu ses autres ouvrages,
j'étais persuadé, sur ce qu'on m'avait dit de lui, que M. Hume
associait une âme très républicaine aux paradoxes anglais en faveur
du luxe. Sur cette opinion, je regardais toute son apologie de
Charles Ier comme un prodige d'impartialité, et j'avais une aussi
grande idée de sa vertu que de son génie. Le désir de connaître cet
homme rare et d'obtenir son amitié avait beaucoup augmenté les
tentations de passer en Angleterre que me donnaient les
sollicitations de madame de Boufflers, intime amie de M. Hume.
Arrivé en Suisse, j'y reçus de lui, par la voie de cette dame, une
lettre extrêmement flatteuse, dans laquelle, aux plus grandes
louanges sur mon génie, il joignait la pressante invitation de
passer en Angleterre, et l'offre de tout son crédit et de tous ses
amis pour m'en rendre le séjour agréable. Je trouvai sur les lieux
milord maréchal, le compatriote et l'ami de M. Hume, qui me
confirma tout le bien que j'en pensais, et qui m'apprit même à son
sujet une anecdote littéraire, qui l'avait beaucoup frappé, et qui
me frappa de même. Vallace, qui avait écrit contre Hume au sujet de
la population des anciens, était absent tandis qu'on imprimait son
ouvrage. Hume se chargea de revoir les épreuves et de veiller à
l'édition. Cette conduite était dans mon tour d'esprit. C'est ainsi
que j'avais débité des copies, à six sous pièce, d'une chanson
qu'on avait faite contre moi. J'avais donc toute sorte de préjugés
en faveur de Hume, quand madame de Verdelin vint me parler vivement
de l'amitié qu'il disait avoir pour moi, et de son empressement à
me faire les honneurs de l'Angleterre; car c'est ainsi qu'elle
s'exprimait. Elle me pressa beaucoup de profiter de ce zèle et
d'écrire à M. Hume. Comme je n'avais pas naturellement de penchant
pour l'Angleterre, et que je ne voulais prendre ce parti qu'à
l'extrémité, je refusai d'écrire et de promettre; mais je la
laissai la maîtresse de faire tout ce qu'elle jugerait à propos
pour maintenir M. Hume dans ses bonnes dispositions. En quittant
Motiers, elle me laissa persuadé, par tout ce qu'elle m'avait dit
de cet homme illustre, qu'il était de mes amis, et qu'elle était
encore plus de ses amies.
    Après son départ, Montmollin poussa ses manœuvres, et la
populace ne connut plus de frein. Je continuai cependant à me
promener tranquillement au milieu des huées; et le goût de la
botanique, que j'avais commencé de prendre auprès du docteur
d'Ivernois, donnant un nouvel intérêt à mes promenades, me faisait
parcourir le pays en herborisant, sans m'émouvoir des clameurs de
toute cette canaille, dont ce sang-froid ne

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