Les croisades vues par les arabes
ainsi sur un navire pour venir dans une contrée peuplée d'innombrables musulmans? Selon notre loi, un homme qui traverse ainsi la mer ne peut témoigner en justice. - Et pourquoi donc? interroge le roi. - Parce qu'on estime qu'il n'est pas en possession de toutes ses facultés. »
Le dernier soldat franc quittera l'Egypte avant la fin du mois de mai.
Plus jamais les Occidentaux ne tenteront d'envahir le pays du Nil. Le « péril blond » sera rapidement éclipsé par celui, bien plus effrayant, que représentent les descendants de Gengis Khan. Depuis la mort du grand conquérant, son empire a été quelque peu affaibli par les conflits de succession, et l’Orient musulman a bénéficié d'un répit inespéré. Dès 1251, toutefois, les cavaliers des steppes sont à nouveau unis sous l'autorité de trois frères, petit-fils de Gengis Khan : Mongka, Koubilaï et Houlagou. Le premier est désigné comme souverain incontesté de l'empire, avec pour capitale Karakorum, en Mongolie; le second règne à Pékin; le troisième, installé. en Perse, a l'ambition de conquérir tout l’Orient musulman, jusqu'aux bords de la Méditerranée, peut-être jusqu'au Nil. Houlagou est un personnage complexe. Passionné de philosophie et de sciences, recherchant la société des gens de lettres, il se transforme durant ses campagnes en bête sanguinaire, assoiffée de sang et de destruction. Son attitude en matière de religion n'est pas moins contradictoire. Très influencé par le christianisme - sa mère, sa femme préférée et plusieurs de ses collaborateurs appartiennent à l'Eglise nestorienne - il n'a toutefois jamais renoncé au chamanisme, religion traditionnelle de son peuple. Dans les territoires qu'il gouverne, notamment en Perse, il se montre généralement tolérant à l'égard des musulmans, mais emporté par sa volonté de détruire toute entité politique capable de s'opposer à lui, il mène contre les métropoles les plus prestigieuses de l'islam une guerre de destruction totale.
Sa première cible sera Baghdad. Dans un premier temps, Houlagou demande au calife abbasside al-Moutassim, trente-septième de sa dynastie, de reconnaître la - suzeraineté mongole comme ses prédécesseurs avaient accepté par le passé celle des Seldjoukides. Le prince des croyants, trop confiant dans son prestige, envoie dire au conquérant que toute attaque contre la capitale du califat provoquerait la mobilisation de la totalité du monde musulman, des Indes au Maghreb. Nullement impressionné, le petit-fils de Gengis Khan proclame son intention de prendre la ville par la force. Avec, semble-t-il, des centaines de milliers de cavaliers, il avance, fin 1257, en direction de la capitale abbasside, détruisant sur son passage le sanctuaire des Assassins à Alamout, où une bibliothèque d'une valeur inestimable est anéantie, rendant difficile à jamais toute connaissance approfondie de la doctrine et des activités de la secte. Prenant alors conscience de l'ampleur de la menace, le calife décide de négocier. Il propose à Houlagou de prononcer son nom dans les mosquées de Baghdad et de lui décerner le titre de sultan. Il est trop tard : le Mongol a définitivement opté pour la manière forte. Après quelques semaines de résistance courageuse, le prince des croyants est forcé de capituler. En personne, le 10 février 1258, il vient au camp du vainqueur et lui fait promettre de garder la vie sauve à tous les citadins s'ils acceptent de déposer les armes. En vain : dès qu'ils sont désarmés, les combattants musulmans sont exterminés. Puis la horde mongole se répand dans la prestigieuse cité, démolissant les bâtiments, incendiant les quartiers, massacrant sans pitié hommes, femmes et enfants, près de quatre-vingt mille personnes au total. Seule la communauté chrétienne de la cité est épargnée grâce à l'intercession de la femme du khan. Le prince des croyants lui-même sera exécuté par étouffement quelques jours après sa défaite. La fin tragique du califat abbasside plonge le monde musulman dans la stupeur. Il ne s'agit plus désormais d'un combat militaire pour le contrôle d'une ville ou d'un pays, mais d'une lutte désespérée pour la survie de l'islam.
D'autant que les Tatars poursuivent leur marche triomphale en direction de la Syrie. En janvier 1260, l'armée de Houlagou investit Alep, rapidement prise malgré une résistance héroïque. Comme à Baghdad, massacres et dévastations s'abattent
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