Les croisades vues par les arabes
d'Arménie, principaux alliés des Mongols. Mais une lutte pour le pouvoir éclate au sein de l'armée égyptienne. Baibars voudrait s'établir à Alep en tant que gouverneur semi-indépendant; Qoutouz, qui redoute les ambitions de son lieutenant, refuse. Il ne veut pas d'un pouvoir concurrent en Syrie. Pour couper court à ce conflit, le sultan rassemble son armée et reprend la route de l'Egypte. Arrivé à trois jours de marche du Caire, il accorde à ses soldats une journée de repos, le 23 octobre, et décide de s'adonner lui-même à son sport favori, la chasse au lièvre, en compagnie des principaux chefs de l'armée. Il prend d'ailleurs soin de se faire accompagner de Baibars, de peur que ce dernier ne profite de son absence pour fomenter une rébellion. La petite troupe s'éloigne du camp au petit jour. Au bout de deux heures, elle s'arrête pour prendre un peu de repos. Un émir s'approche de Qoutouz et lui prend la main comme pour la baiser. Au même moment, Baibars dégaine son épée et la plante dans le dos du sultan, qui s'écroule. Sans perdre un instant, les deux conjurés sautent sur leurs montures et reviennent vers le camp à bride abattue. Ils se présentent devant l'émir Aqtaï, un vieil officier unanimement respecté dans l'armée, et lui annoncent : « Nous avons tué Qoutouz. » Aqtaï, qui n'en paraît pas autrement ému, demande : « Lequel d'entre vous l'a tué de sa propre main? » Baibars n'hésite pas : « C'est moi! » Le vieux mamelouk s'approche de lui, l'invite à s'installer dans la tente du sultan et se courbe devant lui pour lui rendre hommage. Bientôt, toute l'armée acclame le nouveau sultan.
Cette ingratitude envers le vainqueur d'Ain Jalout, moins de deux mois après son brillant exploit, n'honore évidemment pas les mamelouks. Il faut toutefois préciser, à la décharge des officiers-esclaves, que la plupart d'entre eux considéraient Baibars, depuis de longues années, comme leur véritable chef. N'est-ce pas lui qui en 1250 a osé, le premier, frapper de son arme l'Ayyoubide Touranshah, exprimant ainsi la volonté des mamelouks de s'emparer eux-mêmes du pouvoir? N'a-t-il pas joué un rôle déterminant dans la victoire contre les Mongols? Aussi bien par sa perspicacité politique, par son habileté militaire que par son extraordinaire courage physique, il s'est imposé comme le premier des siens.
Né en 1223, le sultan mamelouk a commencé sa vie comme esclave en Syrie. Son premier maître, l'émir ayyoubide de Hama, l'avait vendu par superstition, car son regard l'inquiétait. Le jeune Baibars était en effet un géant très brun, à la voix enrouée, aux yeux bleus et clairs, avec, dans l'œil droit, une grande tache blanche. Le futur sultan fut acheté par un officier mamelouk qui l'incorpora dans la garde d'Ayyoub où, grâce à ses qualités personnelles, et surtout à son absence totale de scrupules, il se fraya rapidement un passage jusqu'au sommet de la hiérarchie.
Fin octobre 1260, Baibars entre en vainqueur au Caire, où son autorité est reconnue sans difficulté. Dans les villes syriennes, en revanche, d'autres officiers mamelouks profitent de la mort de Qoutouz pour proclamer leur indépendance. Mais, par une campagne éclair, le sultan s'empare de Damas et d’Alep, réunifiant sous son autorité l'ancien domaine ayyoubide. Très vite, cet officier sanguinaire et inculte se montre un grand homme d'Etat, artisan d'une véritable renaissance du monde arabe. Sous son règne, l’Egypte et, dans une moindre mesure, la Syrie, vont redevenir des centres de rayonnement culturel et artistique. Baibars, qui va consacrer sa vie à détruire toute forteresse franque capable de lui tenir tête, s'affirme par ailleurs un grand bâtisseur, embellissant Le Caire, construisant sur tout son domaine des ponts et des routes. Il va aussi rétablir un service postal, par pigeons ou par coursiers, encore plus efficace que ceux de Noureddin ou de Saladin. Son gouvernement sera sévère, parfois brutal, mais éclairé, et nullement arbitraire. A l'égard des Franj, il adopte, dès son accession au pouvoir, une attitude ferme, qui vise à réduire leur influence. Mais il fait la différence entre ceux d'Acre, qu'il veut simplement affaiblir, et ceux d’Antioche, coupables d'avoir fait cause commune avec les envahisseurs mongols.
Dès la fin de 1261, il envisage d'organiser une expédition punitive contre les terres du prince Bohémond et du roi arménien Hethoum,
Weitere Kostenlose Bücher