Les Derniers Jours de Pompéi
avec quel trouble dans sa pensée ! que le jour vînt à paraître.
Le soleil se leva ; Julia dormait toujours. Nydia s’habilla sans bruit, plaça son trésor soigneusement dans son sein ; prit son bâton, et se hâta de quitter la maison.
Le portier Médon la salua d’un bonjour amical, pendant qu’elle descendait les degrés qui conduisaient à la rue. Elle ne l’entendit pas ; la confusion régnait dans son esprit ; elle était perdue dans le tourbillon et le tumulte de ses pensées, dont chacune était une passion. Elle sentit l’air pur du matin sur ses joues, mais il ne porta point de fraîcheur dans ses brûlantes veines.
« Glaucus, murmura-t-elle, tous les philtres de la plus puissante magie ne pourront faire que tu m’aimes autant que je t’aime… Ione… Ah ! non… loin de moi toute hésitation, loin de moi tout remords ! Glaucus, ma destinée est dans ton sourire ; et la tienne… ô espérance ! ô joie ! ô transport !… ta destinée est dans mes mains !… »
LIVRE IV
Chapitre 1
Réflexions sur le zèle des premiers chrétiens. – Deux hommes prennent une périlleuse résolution. – Les murs ont des oreilles, surtout les murs sacrés
Quiconque examine l’histoire primitive du christianisme reconnaîtra combien était nécessaire à son triomphe ce zèle fougueux qui, sans craindre aucun danger, sans faire aucune concession, inspirait ses champions et soutenait ses martyrs. Dans une religion dominante, l’esprit d’intolérance trahit sa cause ; dans une église faible et persécutée, le même esprit la soutient. Il fallait mépriser, détester, abhorrer les croyances des autres hommes, pour surmonter les tentations qu’elles présentaient ; il fallait non seulement croire que l’Évangile était la véritable foi, mais qu’elle était l’unique foi qui sauvât, afin de plier le disciple à l’austérité de sa doctrine et de l’encourager dans la chevaleresque et périlleuse entreprise de convertir les polythéistes et les païens. Cette rigueur du sectaire, qui n’accordait la vertu et le ciel qu’à un petit nombre d’élus, qui voyait des démons dans les autres dieux et le châtiment de l’enfer dans une autre religion, inspirait à tout fidèle un ardent désir de convertir chacun de ceux auxquels il était attaché par les nœuds de l’affection humaine ; et le cercle ainsi tracé par la bienveillance pour l’homme était encore élargi par l’envie de contribuer à la gloire de Dieu. C’était pour l’honneur de la foi chrétienne que le chrétien exposait hardiment ses dogmes au scepticisme des uns, aux répugnances des autres, aux mépris des philosophes, à la pieuse horreur du peuple. Sa propre intolérance devenait pour lui son premier instrument de succès ; et le païen adouci finissait par penser qu’il y avait en effet quelque chose de saint dans un zèle si étranger à son expérience, qui ne s’arrêtait devant aucun obstacle, ne redoutait aucun danger, et même dans la torture et sur l’échafaud s’en rapportait, pour une dispute bien autrement sérieuse que les calmes dissertations de la philosophie spéculative, au tribunal d’un juge éternel. C’est ainsi que la même ferveur qui faisait d’un chrétien du Moyen Âge un fanatique sans pitié, faisait du chrétien des premiers âges un héros sans peur. Parmi ces natures audacieuses, entreprenantes, intrépides, se distinguait celle de l’ardent Olynthus. Dès qu’Apaecidès, par le sacrement du baptême, eut été reçu dans le sein de l’Église, le Nazaréen se hâta de le convaincre qu’il ne lui était plus permis de conserver l’office et le costume de prêtre d’Isis. Il ne pouvait évidemment adorer le vrai Dieu et continuer à honorer, même extérieurement, les autels idolâtres du démon.
Ce ne fut pas tout : l’esprit impétueux et zélé d’Olynthus espéra se servir de la position d’Apaecidès pour faire connaître au peuple trompé les jongleries du temple d’Isis. Il pensa que le ciel lui avait envoyé cet instrument afin de dessiller les yeux de la foule, et de préparer peut-être la voie à la conversion de toute la cité. Il n’hésita pas à faire appel au nouvel enthousiasme d’Apaecidès, à exciter son courage, à stimuler son ardeur. Le lendemain soir, après le baptême d’Apaecidès, ils se rencontrèrent dans le bosquet de Cybèle, que nous avons déjà décrit, et où ils s’étaient donné rendez-vous.
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