Les Derniers Jours de Pompéi
vous ressemble…
Lutte de la terre et des cieux !
V
Que l’encens remplisse l’espace !
Faites entendre un plus doux son !
Sur cette terre, où l’homme passe,
Son âme habite une prison.
Ainsi, te voilà délivrée
De l’esclavage où tu dormais !
Grâce au bûcher, âme épurée,
Te voilà libre pour jamais !
VI
Âme remontée à ta source,
Désormais pour toi plus de fers !
Des vents tu peux suivre la course,
Sur le vaste océan des airs.
Dans l’Élysée aux frais ombrages,
Tu vas donc errer à ton tour ;
Quand pourrons-nous, auprès des sages,
Te rejoindre en ce beau séjour !
Alors s’éleva très haut dans les airs la flamme odoriférante, en se mêlant aux premières lueurs de l’aurore ; elle jeta un lumineux éclat à travers les obscurs cyprès ; elle s’élança au-dessus des murs de la cité voisine, et le pêcheur matinal tressaillit en voyant une couleur rougeâtre se répandre sur la mer endormie.
Mais Ione s’était assise à part et seule, et, appuyant sa figure sur ses mains, elle ne voyait pas la flamme, elle n’entendait pas les lamentations de la musique ; elle n’éprouvait qu’un seul sentiment, celui de son isolement ; elle n’avait pas encore eu le temps d’arriver à cette consolante idée qui nous persuade que nous ne restons pas seuls, que les morts peuvent être avec nous.
La brise aida rapidement à l’effet des combustibles placés dans le bûcher. Peu à peu la flamme baissa, diminua, s’obscurcit et puis s’éteignit lentement, après quelques lueurs brusques et inégales, emblème de la vie elle-même. Où tout était, quelques moments auparavant, lumière et mouvement, il ne restait plus que des cendres brûlantes.
Les assistants éteignirent les dernières étincelles et recueillirent les cendres ; les restes du défunt, trempés dans les vins les plus rares et les parfums les plus précieux, furent enfermés dans une urne d’argent que l’on inséra soigneusement dans l’un des tombeaux qui bordaient la route ; on déposa en même temps la petite fiole pleine de larmes et la pièce de monnaie que la poésie consacrait encore au sombre nocher ; le tombeau se couvrit de fleurs et de guirlandes ; les encensoirs fumèrent sur l’autel et de nombreuses lampes furent allumées autour de la tombe.
Le lendemain, lorsque le prêtre revint y apporter de nouvelles offrandes, il s’aperçut qu’aux reliques de la superstition païenne une main inconnue avait ajouté une branche verte de palmier. Il ne l’ôta pas, parce qu’il ignorait que ce fût l’emblème funéraire du christianisme.
Les cérémonies que nous venons de décrire étant terminées, une des praeficae aspergea trois fois les assistants avec la branche purifiante de laurier, en prononçant ce mot : Ilicet ; (vous pouvez vous retirer) et tout fut fini.
Le cortège, avant de s’éloigner, prononça encore, à plusieurs reprises et en pleurant, ce touchant adieu : Salve, aeternum ! et, pendant qu’Ione était encore là, commença le chant suivant qui accompagnait le départ :
SALVE AETERNUM
I
Arme fugitive, urne sainte,
Pour la dernière fois, adieu.
Vous avez reçu notre plainte,
Et nous allons quitter ce lieu !
Nous aussi, les rapides heures,
Nous conduiront au sombre bord.
Nous verrons les tristes demeures.
Tombe, adieu : salut, jeune mort !
II
Ilicet : Notre cœur fidèle
En un tombeau vivant aussi,
Emporte ton âme éternelle
Avec les cendres que voici !
Le deuil dans le cœur se célèbre
Sans l’eau lustrale et sans le feu ;
La mémoire, au banquet funèbre,
Prononce en pleurs le triste Adieu !
III
Ilicet : Sur la rive sombre,
Tu te souviendras de nos pleurs ;
Nos gémissements, ô jeune ombre,
Sauront consoler tes douleurs.
Si l’amour est court dans la vie,
Il est éternel dans la mort ;
La rose est promptement ravie,
Le cyprès reste vert et fort.
Chapitre 9
Où une aventure arrive à Ione
Pendant que quelques assistants demeuraient pour partager avec les prêtres le banquet funéraire, Ione et ses femmes continuaient leur mélancolique retour. Alors (les derniers honneurs ayant été rendus à son frère) son esprit sortit de la stupeur dans laquelle il avait été plongé. Elle songea à son fiancé et à l’accusation qui s’était élevée contre lui, sans y ajouter foi un moment, comme nous l’avons déjà dit, tant elle lui paraissait peu naturelle. Mais nourrissant les plus graves
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