Les Derniers Jours de Pompéi
temple consacré à Isis {16} .
Cet édifice n’était alors élevé que depuis peu de temps. L’ancien temple avait été renversé par un tremblement de terre soixante ans auparavant et le nouveau avait obtenu, parmi les inconstants Pompéiens, la vogue qu’une nouvelle église ou un nouveau prédicateur obtiennent parmi nous. Les oracles de la déesse à Pompéi étaient en effet non seulement célèbres pour le mystérieux langage qui les enveloppait mais encore pour le crédit qui s’attachait à leurs ordres et à leurs prédictions. S’ils n’étaient pas dictés par une divinité, ils étaient du moins inspirés par une profonde connaissance de l’humanité ; ils s’appliquaient exactement à la position de chaque individu et contrastaient singulièrement avec les banalités des temples rivaux. Au moment où Arbacès arrivait près des grilles, qui séparaient l’enceinte profane de l’enceinte sacrée, une foule composée de personnes de toutes les classes, mais particulièrement de marchands, s’assemblait respirant à peine et témoignant une profonde dévotion devant les nombreux autels placés dans la cour…
Dans les murs de la cella élevés sur sept marches en marbre de Paros, on voyait des niches renfermant différentes statues et les murs étaient ornés de la grenade consacrée à Isis. Un piédestal oblong occupait l’intérieur du monument ; il supportait deux statues : l’une d’Isis et l’autre de son compagnon, le silencieux et mystique Horus. Mais le monument contenait beaucoup d’autres divinités qui formaient en quelque sorte la cour de la déesse égyptienne : c’étaient Bacchus, son parent, le dieu célèbre sous tant de noms, Vénus de Cypre sortant de son bain, laquelle n’était qu’Isis elle-même sous un déguisement grec, Anubis à la tête de chien et une foule d’idoles égyptiennes de formes grotesques et de noms inconnus.
Mais nous supposerions à tort que dans les villes de la grande Grèce, Isis fût adorée avec les formes et les cérémonies qui appartenaient à son culte. Les nations modernes et mélangées du Sud, non moins arrogantes qu’ignorantes, confondaient les cultes de tous les climats et de tous les siècles et les profonds mystères du Nil se trouvaient défigurés par cent frivoles et illégitimes mélanges des croyances de Céphise et de Tibur. Le temple d’Isis à Pompéi était desservi par des prêtres romains et grecs également étrangers au langage et aux coutumes des anciens adorateurs de la déesse et le descendant des puissants rois d’Égypte riait en secret et avec mépris des mesquines momeries, qui essayaient d’imiter le culte solennel et typique de son brûlant climat.
« Eh quoi », murmura Arbacès à l’un des assistants marchand engagé dans le commerce d’Alexandrie, commerce qui avait peut-être introduit à Pompéi le culte de la déesse ; « quelle circonstance vous rassemble devant les autels de la vénérable Isis ? On dirait aux robes blanches du groupe que voilà, qu’un sacrifice se prépare ; et à cette assemblée des prêtres que des oracles vont être rendus. À quelle question doit répondre la déesse ?
– Nous sommes des marchands, en effet, répondit du même ton l’assistant (qui n’était autre que Diomède) ; nous désirons connaître le sort de nos vaisseaux qui partent demain pour Alexandrie. Nous venons offrir un sacrifice à la déesse et implorer sa réponse. Je ne suis pas un de ceux qui ont demandé le sacrifice, comme vous pouvez en juger par mon costume, mais j’ai quelque intérêt au succès de la flotte ; oui, par Jupiter, j’ai ma petite cargaison ; sans cela comment vivrait-on dans ces temps si durs ? »
L’Égyptien, répliqua gravement que si Isis était la déesse de l’agriculture, elle n’en était pas moins la patronne du commerce ; puis tournant la tête vers l’est, Arbacès sembla absorbé dans une prière silencieuse.
Au centre des degrés apparut un prêtre vêtu de blanc depuis la tête jusqu’aux pieds, son voile surmontant sa couronne ; deux nouveaux prêtres vinrent relever ceux que nous avons déjà vus placés aux deux extrémités ; leur poitrine était à moitié nue ; une robe blanche et aux larges plis enveloppait le reste de leur corps. En même temps un prêtre placé au bas des marches commença un air solennel sur un long instrument à vent. À la moitié des degrés se trouvait un autre flamine tenant d’une
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