Les Derniers Jours de Pompéi
main la couronne votive et de l’autre une baguette blanche ; pour ajouter à l’effet pittoresque de cette cérémonie orientale, l’imposant ibis (oiseau sacré du culte égyptien) regardait du haut des murs le rite s’accomplir ou se promenait au pied de l’autel.
Le flamine sacrificateur s’avança.
Le calme absolu d’Arbacès sembla se démentir. Lorsque les aruspices inspectèrent les entrailles des victimes, il parut éprouver une pieuse anxiété et se réjouir lorsque les signes furent déclarés favorables et que le feu commença à briller et à consumer les parties consacrées des victimes au milieu de la myrrhe et de l’encens ; un profond silence succéda alors aux chuchotements de l’assemblée. Les sacrificateurs se réunirent autour de la cella et un autre prêtre nu, sauf une ceinture qui lui entourait les reins, s’élança en dansant et implora avec des gestes étranges une réponse de la déesse. Il tomba enfin d’épuisement ; la statue sembla s’agiter intérieurement, on entendit un lent murmure ; sa tête se baissa trois fois ses lèvres s’ouvrirent et une voix caverneuse prononça ces paroles mystérieuses :
On voit comme un coursier venir la vague énorme,
Et souvent en tombeau le rocher se transforme.
Nos fortunes nos jours sont dans les mains du sort ;
Mais vos légers vaisseaux naviguent vers le port.
La voix cessa de se faire entendre, la foule respira plus librement, les marchands se regardèrent les uns les autres.
« Rien de plus clair, s’écria Diomède ; l’oracle annonce une tempête comme il y en a souvent au commencement de l’automne ; mais nos vaisseaux seront sauvés. Ô bienfaisante Isis !
– Honneur éternel à la déesse ! dirent les marchands. Sa prédiction cette fois n’est pas équivoque. »
Élevant la main pour imposer silence aux assistants car les rites d’Isis enjoignaient un mutisme presque impossible à obtenir des Pompéiens, le grand prêtre répandit sa libation sur l’autel et après une courte prière, la cérémonie étant terminée, la foule se retira. Pendant qu’elle se dispersait de côté et d’autre l’Égyptien demeura près de la grille et lorsque le passage fut suffisamment éclairé, un des prêtres s’approcha de lui et le salua avec toutes les marques d’une amicale familiarité.
La physionomie de ce prêtre était loin de prévenir en sa faveur : son crâne rasé était si déprimé et son front si étroit que sa conformation le rapprochait beaucoup de celle d’un sauvage de l’Afrique, à l’exception des tempes où l’on remarquait l’organe appelé acquisivité par les disciples d’une science dont le nom est moderne mais dont les anciens (comme leurs sculptures nous l’indiquent) connaissaient mieux qu’eux la pratique ; on voyait sur cette tête deux protubérances larges et presque contre nature qui la rendaient encore plus difforme. Le tour des sourcils était sillonné d’un véritable réseau de rides profondes ; les yeux noirs et petits roulaient dans des orbites d’un jaune sépulcral ; le nez court mais gros s’ouvrait avec de grandes narines pareilles à celles des satyres ; ses lèvres épaisses et pâles, ses joues aux pommettes saillantes, les couleurs livides et bigarrées, qui perçaient à travers sa peau de parchemin, complétaient un ensemble que personne ne pouvait voir sans répugnance et peu de gens sans terreur et sans méfiance.
Quelque projet que conçût l’âme, la forme du corps paraissait propre à les exécuter. Les muscles vigoureux du cou, la large poitrine, les mains nerveuses et les bras maigres et longs, qui étaient nus jusqu’au-dessus du coude, témoignaient d’une nature capable d’agir avec énergie ou de souffrir avec patience.
« Calénus, dit l’Égyptien à ce flamine de bizarre apparence, vous avez beaucoup amélioré la voix de la statue en suivant mes avis et vos vers sont excellents ; il faut toujours prédire la bonne fortune, à moins qu’il n’y ait certitude que la prédiction ne se réalisera pas.
– En outre, ajouta Calénus, si la tempête a lieu et si elle engloutit les vaisseaux maudits, ne l’aurons-nous pas annoncée et les vaisseaux ne seront-ils pas au port ? Le marinier dans la mer Égée, dit Horace, prie pour obtenir le repos. Or quel est le port plus tranquille pour lui que le fond des flots ?
– Très bien, Calénus ; je voudrais qu’Apaecidès prît des leçons de votre sagesse ; mais
Weitere Kostenlose Bücher