Les disparus
semaine avant de se marier. Genug ist genug !
En tout cas, Dieu fait ces promesses extravagantes à
Abraham, et quelle que soit la signification du nom qu'il utilise à ce
moment-là, l'accomplissement de ses promesses suggère que son pouvoir est, du
moins selon ce texte, « assez » pour les accomplir.
Les promesses fonctionnent dans les deux sens et, comme
je l'ai mentionné, en échange de la promesse de protection et d'abondance qu'il
fait à Abraham, Dieu exige un signe permanent du lien qui l'unit au peuple élu,
un symbole qui sera découpé dans la chair même. Par conséquent, le dernier
événement qui est relaté dans parashat Lech Lecha est des plus curieux : une
circoncision de masse qui a lieu juste avant que naisse Yitzhak, que nous
connaissons bien sûr sous le nom d'Isaac. Après l'apparition de Dieu en El
Shaddai, Abraham a pris son fils de treize ans, Ismaël, et toute sa
domesticité, et tous ses esclaves, à la fois ceux qui étaient nés dans
l'esclavage et ceux qui avaient été achetés, et il les a tous circoncis. Cette
circoncision, bien entendu, est le signe visible et inaltérable de l'alliance
de Dieu avec le peuple hébreu — cette même visibilité, cette même
inaltérabilité étant, par la suite, une des raisons pour lesquelles on entend
plus souvent des histoires de femmes qui, comme Anna Heller Stem, ont pu
prétendre, à cause d'un heureux accident de la génétique, appartenir à des
peuples non élus, quand le peuple élu était éradiqué de la surface de la Terre,
que des histoires d'hommes, puisque même lorsque ces hommes étaient blonds aux
yeux bleus, leur chair était marquée par l'alliance établie par Dieu avec son
peuple élu, comme il est dit à la fin de parashat Lech Lecha. Ce que mon
expérience m'a appris, c'est que les hommes ou bien se cachaient, comme Jack, Bob
et les autres, ou bien s'enfuyaient, comme Bumo Kulberg, qui portait le prénom
de son grand-père Abraham — un homme dont le nom était à la fois Kulberg et
Kornblüh ; Bumo Kulberg qui, en pleine maturité, a eu une fille, qui a eu une
fille à son tour, une fille dont le prénom, Alma, signifie « âme »,
et dont le nom de famille n'est pas le nom de son père, mais celui du père de
sa mère, Kulberg, parce qu'il n'y a personne d'autre pour le porter dans
l'avenir. La profonde émotion qui sous-tend la décision d'embrasser cet
héritage particulier a conduit, en partie du moins, la fille d'Adam Kulberg à
dire, à la fin du premier soir de notre visite, La meilleure chose qui soit
arrivé à mon père, c'est Alma. C'est comme si... toute cette douleur et tout ce
malheur, Alma les avait adoucis de nouveau. Il dit qu'il vit pour Alma.
Quoi qu'il en soit, la question fameuse concernant la
conclusion de Lech Lecha est la suivante : pourquoi Dieu attend-il qu'Abraham
ait quatre-vingt-dix-neuf ans avant d'établir la marque de son alliance avec
lui, sa maison et sa descendance ? Après tout, comme le dit Friedman dans son
commentaire très contemporain, « Dieu connaît Abraham depuis des
années » à ce moment-là : « Pourquoi ne pas poser cette exigence dès
le début de la relation ? » Friedman répond alors à sa question rhétorique
d'une façon que je trouve assez convaincante, moi qui connais la Torah moins
intimement que je ne connais l'Odyssée, histoire d'une lutte épique pour
retrouver un foyer qui diffère la satisfaction d'une réunion de famille pour
son héros, non pour le moment du retour en soi, mais pour les conséquences des
épreuves et des tests grâce auxquels il prouve qu'il mérite cette réunion.
Pourquoi le moment de la circoncision, le moment où une nouvelle sorte de
famille est créée, arrive-t-il tellement tard dans le récit de la Genèse ?
demande Friedman. Parce que, répond-il, la circoncision n'est qu'un signe de
l'alliance.
Alors pourquoi ne pas conclure l'alliance elle-même dès
le début ? insiste-t-il.
Parce que, nous dit le rabbin, Abraham doit endurer de
nombreuses épreuves pour prouver qu'il mérite l'alliance. Cela, me semble-t-il,
est une considération narrative autant qu'éthique. Car si parashat Lech Lecha
ne parvient pas à faire sentir la lutte, l'effort qui doit être enduré dans le
temps, par quoi Abraham mérite l'alliance, le geste décisif paraîtra plat et
négligeable : nous ne sentirons pas, comme nous le devrions, l'impact ultime de
la scène de circoncision de masse, ce signe visible et inaltérable qu’Abraham
est
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