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Les disparus

Titel: Les disparus Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Daniel Mendelsohn
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puis dans un endroit appelé Divovo sur le fleuve Oka, où s'entraînait
l'unité en question et où il était tombé sur Amir Sapirstein, un voleur célèbre
de Bolechow. Les jeunes recrues vivaient dans une immense forêt. Elles avaient
le crâne rasé. La discipline était sévère. A la fin de 1943, à l'heure où Sumek
et Malcia Reinharz, Jack Greene, son frère et son père, Anna Heller Stern,
Klara et Yankel Freilich, Josef et Shlomo Adler, Dyzia Lew, étaient tous enfermés
en silence dans leurs cachettes, Bumo Kulberg, dans une forêt sur le fleuve
Oka, voyait trois jeunes gens, qui avaient pensé, comme lui, vouloir combattre
les Allemands, mais avaient essayé, non comme lui, de déserter, se faire
fusiller dans une clairière. L'un d'eux était un Juif de Varsovie. Il faisait
tellement froid que les visages des trois hommes, qui avaient supplié leur
commandant de les épargner et promis qu'ils combattraient pour la Pologne,
avaient pris une couleur violette, se souvenait Adam.
    En décembre, Bumo faisait route vers le front occidental.
Ils s'étaient arrêtés à Kiev. Berdetsov. Ils avaient poursuivi vers l'ouest.
Ils étaient entrés en territoire polonais. Les semaines s'écoulaient. Il était
à Lublin où, à son insu, son ancienne voisine, Chaya Heller, prétendait, jour
après jour, être une jeune fille catholique du nom d'Anna Kucharuk. Il était à
Majdanek. A quatre kilomètres à peine du centre de Lublin, Majdanek était un
camp qui avait été créé pour être un camp de prisonniers de guerre dirigé par
la SS, à l'époque où avait eu lieu la première Aktion à Bolechow, mais
six mois plus tard c'était devenu le site de massacres de grande envergure qui
devaient se prolonger jusqu'en juillet 1944, date à laquelle trois cent
soixante mille Juifs, Polonais et prisonniers de guerre y avaient été gazés. A
Majdanek, Bumo avait découvert que tout avait été brûlé ; les Allemands
effaçaient leurs traces. Quand il y était arrivé avec les autres soldats, le
four crématoire était encore brûlant. Bumo avait traversé le camp et vu,
disait-il, des montagnes de valises, des montagnes de photos qui avaient été
autrefois l'empreinte des vies de ces Juifs et n'étaient plus à présent qu'un
tas d'ordures indéchiffrables. Pour des raisons qu'il ne pouvait pas s'expliquer,
il a ramassé quelques photos et les a gardées.
    Il avait continué. De septembre 1944 à janvier 1945, il
était resté sans bouger avec son armée sur les bords de la Vistule en face de
Varsovie et sans rien faire, alors que l'armée soviétique, avec ses petits
régiments polonais, était censée être l'alliée de Polonais de Varsovie qui
tentaient de se soulever contre les Allemands ; sans rien faire parce que
Staline, qui pensait déjà à la situation d'après-guerre, ne voyait aucun
intérêt à avoir dans les parages une résistance polonaise active et courageuse,
après l'écrasement de l'Allemagne. C'est à ce moment-là que Bumo Kulberg était
devenu officier. Après que le soulèvement de Varsovie avait été réduit à néant,
son armée avait marché en territoire allemand. Du 15 au 16 avril 1945, Bumo
avait combattu dans l'offensive sur Berlin. Pour une minuscule part, Berlin est
tombé parce qu'un garçon de Bolechow, Adam Kulberg, y a combattu.
    Et ainsi la guerre a pris fin en Europe, et avec elle
l'Holocauste. Ce qui avait commencé pendant la nuit du 9 novembre 1938, la Nuit
de cristal, venait enfin de s'achever. Bumo Kulberg n'avait pas encore
vingt-quatre ans. A Bolechow, le nombre des Juifs qui étaient sortis de leurs
caves, de leurs greniers, de leurs poulaillers, de leurs trous dans la forêt,
s'élevait à quarante-huit exactement.
    Près de soixante ans plus tard, le vieil homme que le jeune
Bumo allait devenir terminait son récit en disant, Je n'étais pas le seul, il y
avait des milliers de Juifs qui se battaient dans toutes les armées du monde.
    Il s'était tu, puis avait ajouté, Je n'ai donc pas
l'impression d'avoir fait quelque chose d'exceptionnel.
     

     
    Pendant tout ce temps, pendant toutes ces aventures, Bumo
n'avait pas eu la moindre idée de ce qu'était devenue sa famille. Il avait
voyagé sans arrêt, avait traversé à pied une bonne partie de l'Asie, sans
cesser de penser à sa mère et à son père, à Chana, à Perla, à Sala, mais sans
jamais savoir ce qui s'était passé. Tandis qu'il campait avec l'armée
soviétique devant Varsovie au cours des derniers mois de

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