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Les disparus

Titel: Les disparus Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Daniel Mendelsohn
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y a eu les Incas du Pérou. Et il y a eu les Juifs de Bolechow.
    Nous avons pris l'avion pour rentrer, le lendemain. Il se
trouve que c'était un 29 février : un jour qui n'existe pas la plupart du
temps, un jour qui, comme un vaisseau fantôme dans un conte, surgit de nulle
part pour disparaître avant qu'on ait eu la chance de saisir ce que c'était ;
un jour hors du temps.
     

     
    Lech Lecha, , la parashah qui raconte avec force détails les
voyages épuisants et appauvrissants qu'Abram, plus tard Abraham, le père du
peuple juif, doit entreprendre pour atteindre la terre que Dieu lui a promise
– voyages qui, nous l'apprenons, incluent des affrontements atroces et
violents avec les chefs de guerre des territoires dans lesquels Abraham et les
siens devront un jour séjourner, des endroits comme Sodome et Gomorrhe, des
endroits où règne un mal terrible —, cette parashah, saturée de mouvement, de
désarroi et de violence, s'achève sur une note inhabituelle de calme. Un jour,
lorsque Abraham a quatre-vingt-dix-neuf ans et n'a toujours pas engendré un
fils par sa femme, Sarah, Dieu lui apparaît et lui transmet deux informations
importantes. Tout d'abord, Dieu déclare qu’il a décidé d'établir une alliance
avec Abraham et ses descendants, à qui Dieu promet de vastes étendues de terre
pour une possession éternelle. Ensuite, il annonce au vieil homme, qui jusqu'à
présent n'a eu qu'un fils de sa servante égyptienne, Hagar, que Sarah donnera
naissance à un enfant dans l'année qui vient. Le garçon, comme nous le savons,
est né, et le nom que Dieu lui donne est, comme nous le savons aussi, Yitzhak,
« Il a ri ».
    Dans le contexte de ces promesses, qui ont dû paraître
incroyables en effet, il est important de prendre le temps de considérer un
détail du discours de Dieu à Abraham. Lorsque Dieu parle pour la première fois
à son prophète, il dit : « Je suis El Shaddai » — première occurrence
de cette épithète dans la Torah. Pour certains érudits — pas pour Friedman,
toutefois, qui, voyant un lien entre l'hébreu shaddai et l'akkadien sadu,
« montagnes », n'accorde pas d'autre signification à l'épithète que
« Celui de la Montagne » — le nom a une signification symbolique
considérable. Rachi, par exemple, explique longuement les mots. Pour ce
Français du Moyen Age, « Je suis El Shaddai » signifie « Je suis
celui qui suis, dans Ma Divinité, assez pour chaque créature » : ce qui
veut dire que le nom contient une garantie implicite du fait que Dieu peut
tenir les promesses qu'il fait. Une glose plus tardive sur ce passage
– Be'er BaSadeh, s'inspirant du commentateur midrashique Bereishit Rabbah
— explique mieux encore la raison pour laquelle une telle garantie est
nécessaire : Abraham redoutait que la circoncision, bris, que Dieu exigera
comme un signe de l'engagement de son nouveau peuple vis-à-vis de lui, eût pour
effet de l'isoler dangereusement du reste de l'humanité, et donc Dieu a dû le
rassurer. Dans Bereishit Rabbah 46, 3, nous apprenons qu'Abram a dit, «Avant
que je sois entré dans ce bris, les gens venaient à moi. Continueront-ils à
venir à moi, après que je suis entré dans le bris ? » C'est pourquoi Dieu,
au moment où il fait ses promesses et, comme nous le verrons, exige
l'établissement du rituel du bris en retour, déclare lui-même être
« assez ». Cet « assez » est, par conséquent, ce que nous
pourrions appeler un usage positif du mot et, par conséquent, tout à fait
différent dans sa signification de la manière très narquoise dont un autre
Abraham, mon grand-père, aimait en faire usage. Par exemple : lorsqu’il
entendait qu'untel ou tel autre, en général un cousin âgé de la branche de la
famille qu'il dédaignait, était mort à un âge très avancé, il hochait
légèrement sa belle tête et disait, Nu ? Genug isr genug ! Assez, c'est
assez! Il faisait souvent cette petite plaisanterie sinistre quand il me
faisait parcourir la concession familiale au cimetière de Mount Judah et
insistait pour décliner les âges auxquels ses sœurs étaient mortes — vingt-six,
trente-cinq — et m'entraîner ensuite, quelques pas plus loin, devant les tombes
en bronze de sa cousine germaine Elsie Mittelmark, morte à l'âge de
quatre-vingt-quatre ans en 1973, et de sa sœur à elle, Berta, morte à
quatre-vingt-douze ans en 1982, trois fois plus âgée que sa cousine Ray,
Ruchele, lorsqu’elle était morte une

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