Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen

Les disparus

Titel: Les disparus Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Daniel Mendelsohn
Vom Netzwerk:
plus, déploie des trésors d'ingéniosité pour contourner la
lecture la plus naturelle du verset ; il veut plutôt que nous le lisions comme
étant composé de deux éléments distincts. Le premier, insiste-t-il, est la demi-phrase
«Aussi bien, si quelqu'un tue Caïn... ! ». Invoquant des parallèles
syntaxiques tirés de textes hébraïques, Rachi souligne que cette demi-phrase
doit être lue comme une menace implicite mais non spécifique contre celui, quel
qu'il soit, dont le but serait de faire du mal au premier meurtrier de
l'histoire. « C'est un des versets qui fait l'économie de ses mots,
avance-t-il, et se contente d'une allusion, mais n’explique pas. "Aussi
bien, si quelqu’un tue Caïn " est une menace — "Il subira le même
sorti", "Tel sera son châtiment !" —, mais le châtiment
n'est pas spécifié. »
    Cette manipulation du texte laisse Rachi avec un fragment
de deux mots, shiv'ahthayim yuqqâm ,
« subira une vengeance multipliée par sept ». Rachi insiste,
toutefois, sur le fait que le sujet sous-entendu de cette proposition n'est
pas, comme nous serions tentés de le croire, celui qui serait tenté de tuer
Caïn, mais Caïn lui-même. Ce que Dieu dit ici, selon Rachi, c 'est « Je ne
tiens pas à me venger de Caïn maintenant. A la fin de sept générations, je me
vengerai de lui, car Lamech naîtra parmi les enfants de ses enfants et le
tuera. » — et c'est bien ce qui se passe dans Genèse 4, 23.
    Pourquoi Rachi est-il si soucieux d'éviter une lecture du
texte qui suggérerait qu'un assassin de Caïn serait châtié « sept
fois » — subirait, en d'autres termes, une peine sept fois supérieure à
celle qu'il a infligée ? (c'est une question que nous sommes d'autant plus
tentés de poser que Friedman accepte tranquillement la lecture plus naturelle
du texte, comme l'indique sa traduction « Par conséquent : quiconque tue
Caïn, il sera vengé sept fois » et, plus encore, comme semble le suggérer
l'absence complète de commentaire de sa part). Une note dans la traduction du
commentaire de Rachi sur ce verset nous dit pourquoi : « Le verset ne
signifie pas que Dieu va le punir sept fois plus qu'il ne le mérite, car Dieu
est juste et ne punit pas injustement. » En lisant cela, il me vient à
l'esprit que la divergence entre les approches de Rachi et de Friedman a peut-être
sa source dans la différence entre le XI e   siècle et le XX e . Je me demande s'il
est plus facile pour nous que pour Rachi d'imaginer que, peut-être, Dieu
pourrait, après tout, punir injustement.
     
     
    Le péché entre les
frères est à présent marqué au fer rouge dans l'histoire de notre famille,
thème récurrent du passé greffé, désormais, sur le futur. Le 11 août 2002,
presque un an, jour pour jour, après notre arrivée dans Bolechow, et
précisément soixante ans après la mise en marche du mécanisme qui allait
détruire le frère de mon grand-père et sa famille, ma sœur Jennifer s'est
mariée.
    Comme je l'ai dit, elle est la seule de nous cinq à avoir
épousé un Juif. C'est bien entendu, une pure coïncidence – poétique,
néanmoins, qui n’aurait pas pu être plus artistique, si on l'avait  inventée,
crée comme un symbole pour la fiction qu'on est en train d'écrire – ce que
le nom de famille de l'homme qu'elle a épousé soit Abel.
    Troisième
partie Noach, ou
Annihilation totale (mars 2003)
     
     
    Le cours
du Temps, irrésistible, toujours changeant, soulève et emporte toutes les
choses qui naissent et les plonge dans l'obscurité absolue, aussi bien les
actes sans importance que les actes éminents et dignes de commémoration...
Néanmoins, la science de l'Histoire est un grand rempart contre le cours du
Temps ; d'une certaine façon, elle contrôle ce flot irrésistible, elle étreint
d'une main ferme tout ce qu'elle peut saisir flottant à la surface et elle ne
le laissera pas glisser dans les profondeurs de l'oubli.
    Je...
    Anna Comnena, The Alexiad
    1 L’inimaginable voyage
     
     

     
    Un aspect singulier, même s'il est structurellement
satisfaisant, de parashat Bereishit tient à ce que cette portion de la Genèse,
qui commence avec un récit de la Création, se termine avec la décision de Dieu
de détruire une bonne partie de ce qu'il avait inventé au début de l'histoire.
Son insatisfaction avec le genre humain en particulier commence de façon assez
inoffensive – le premier signe est sa décision de limiter radicalement la
durée

Weitere Kostenlose Bücher